"Rana Toad", ça se mange?

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mardi 11 octobre 2016

The Three Investigators 14.The Mystery of the Coughing Dragon (1970)/Les Trois Jeunes Détectives 11.Le Dragon qui éternuait (1973)

Alfred Hitchcock, Robert Arthur et "Les Trois Jeunes Détectives"/"The Three Investigators"
1.The Secret of Terror Castle/1.Au Rendez-vous des revenants.
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  Comme je l'ai expliqué au début de mon article sur The Secret of the Crooked Cat/Le Chat qui clignait de l'oeil, cette quatorzième aventure de nos trois amis (dans l'ordre original américain) a été publiée en France en 1973, à la onzième position, donc à la suite directe de The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable. C'est-à-dire onze ans avant la onzième, dix ans avant la douzième et un an avant la treizième. Et oui, la Bibliothèque Verte s'est bien amusée à nous embrouiller dans l'ordre de ses parutions. Je suppose que ce n'est pas trop grave, car ils peuvent être lus dans le désordre sans que l'on trouve un détail gênant. Comme une référence à un tome censé s'être déroulé avant.

I. Kin Platt/Nick West et son apport à la série:

1.Présentation de l'auteur:
  Mais il y a quelque chose de plus important quant à la publication originale: après Robert Arthur et William Arden, c'est un troisième auteur officiel, Nick West, qui s'est attelé à l'écriture de The Mystery of the Coughing Dragon/Le Dragon qui éternuait. Pour tout vous dire, cette première contribution ne sera seulement suivie que du seizième tome The Mystery of the Nervous Lion/Le Lion qui claquait des dents.
   Cette courte contribution à la série n'est cependant pas le reflet d'un auteur anecdotique. Tout comme derrière William Arden se cache Dennis Lynds, Nick West est un des pseudonymes d'un certain Kin Platt (1911-2003), un auteur de pièces radiophoniques comiques, de séries animées pour la télévision, de bandes dessinées et de romans pour la jeunesse entre autres policiers. C'est donc une personnalité très riche de la culture américaine. Pour plus de détails, je prendrai peut-être le temps, dans un avenir encore indéfini, de faire une petite biographie dans un article annexe. Pour l'instant, ceux qui peuvent lire en anglais, je peux vous signaler trois liens pour vous donner une idée de la personne: Three Investigators Books, Teenage Paperback et Wikipedia.
 
  2.Continuité temporelle et allusions parodiques:

  Malheureusement, je n'ai trouvé aucune référence temporelle précise permettant d'inscrire ce quatorzième tome dans le cadre de la chronologie de Robert Arthur et qu'à plus ou moins respecté William Arden. Mais ce n'est pas la seule particularité de The Mystery of the Coughing Dragon.
  Cette imprécision temporelle est-elle assumée par Nick West? Et faut-il prendre ce volet complètement à part?
  C'est ce qu'on pourrait penser dès les premières lignes. D'où vient cette impression de déjà-vu immédiate? Cette première scène se déroulant dans l'atelier des Trois Jeunes détectives n'est-t-elle pas trop similaire avec une autre scène inaugurale? Souvenez-vous du début de The Mystery of the Vanishing Treasure/L'Arc-en-ciel a pris la fuite, la cinquième enquête signée Robert Arthur:

  "I wonder," said Jupiter Jones, "if we could steal the Rainbow Jewels."/"Je me demande si nous pourrions voler l'Arc-en-ciel", dit Hannibal Jones."
  "I wonder," Jupiter Jones said one morning, "how we would go about attempting the biggest robbery ever seen in this area"/"Ce matin-là, Hannibal Jones avait l'air songeur. Je me demande, murmura-t-il, comment il faudrait nous y prendre pour réussir le vol le plus sensationnel jamais commis jusqu'ici dans le pays."

  Je ne recopie seulement que la première réplique car je ne veux pas faire doublon avec ma série d'articles consacrée au débuts des romans. Il suffit de vous dire, qu'on a exactement la même scène neuf tomes plus tard. Quelques détails changent mais les points communs sont trop flagrants pour ne pas être remarqués. Les voici, dans l'ordre:
-la surprise de Bob et Peter, interrompus dans des occupations similaires: Bob au lieu de placer les touches de la machine à imprimer, est en train d'imprimer des cartes de visite et Pete qui se servait d'un fer à souder, répare un transistor avec un tournevis.
-Peter demande à son chef de répéter ce qu'il vient de dire.
-Jupiter/Hannibal justifie son idée en déclarant que penser comme un malfaiteur est une bonne tactique pour résoudre une enquête.

  On remarque par contre une réplique de Bob qui n'avait pas d'équivalent dans la cinquième enquête:

  "Bob Andrews picked up the scattered cards he had dropped. "I don't think we'd be good at being master criminals. I can't even master putting cards into this printing press."

  "Bob Andy ramassa les cartons qu'il avait laissés tomber.
  "Je ne pense pas que nous ferions de bons malfaiteurs, déclara-t-il. Je ne suis même pas assez malin pour imprimer sans bavure nos cartes de visite."

  Des questions me sont donc venues à l'esprit: est-ce que Nick West a-t-il repris cette scène par paresse, plagiant Robert Arthur et pensant que les lecteurs ne s'en rendraient pas compte? Ou est-ce un clin d’œil complice aux lecteurs de la première heure?
  Pour moi la balance n'a pas mis longtemps à pencher du côté de la deuxième option. Avant de savoir qui se cache derrière Nick West, il y a des signes qui ne trompent pas. On a clairement un pied dans la parodie.
  Car Nick West n'applique pas ce procédé qu'au premier chapitre, il s'arrête pas là. On a du coup un petit jeu qui se met en place, les fans de la première heure se creusent la tête, dès qu'une scène trop familière se manifeste, pour savoir si ce n'est pas la reprise d'une scène d'un autre tome. Je vous avoue que, même si elles me disaient quelques chose, je ne me suis pas toujours souvenu de quels volet étaient tirées les scènes ainsi "reprises".
  Même si ce n'est pas à proprement parlé des références aux anciens tomes, c'est une forme subtile d'allusions cachées que, par exemple, des non-initiés ne peuvent pas percevoir si c'est le premier roman de la série qu'ils lisent. Certains ont probablement contesté ce recyclage de scènes, pour ma part j'aime cette démarche.
  Nick West utilise donc ce procédé à quatre autres reprises (en tout cas, celles que j'ai repérées, il est possible qu'une ou plusieurs m'aient échappé). Je ne vais pas les lister dans leur ordre d'apparition mais dans celui qui convient au déroulé de mon article.
  Afin que cet article n'en soit pas trop alourdi, j'ai fait le choix de ne pas tout recopier. Je résume les scènes et ne garde que quelques lignes juste assez pour que vous constatiez les similitudes. Il y a également des différences que vous pourrez vous amuser à distinguer.
  Je ne recopie le texte français uniquement qu'à titre informatif, pour ceux qui ne sont pas à l'aise avec la version originale. Les traducteurs n'étant pas forcément les mêmes d'un volet à un autre (les deux concernés sont Vladimir Volkoff et Claude Voilier), on perd donc un peu dans l'édition française, le presque plagiat assumé de Nick West. Vous remarquerez parfois des ajouts, des omissions etc. L'idéal aurait été que les deux textes français soient traduits de la même façon, presque mot à mot, comme le fait Nick West des lignes de Robert Arthur. Mais bien évidemment, Vladimir Volkoff ignorait que des scènes du premier et du cinquième tomes allaient être reprises/parodiées. Même chose pour Claude Voilier lorsqu'elle était chargée de traduire le septième tome. Quoiqu'on peut se demander si elle n'a pas voulu transcrire l'allusion à travers le titre d'un chapitres...
  La première occurrence que je mentionne est une scène tirée du Chapitre 6 de The Secret of Terror Castle/Au Rendez-vous des Revenants. Le titre du chapitre, "A Ghostly Telephone Call"/"Le Fantôme téléphone" fait référence directe à la scène où les détectives reçoivent un appel énigmatique et une voix bizarre les menace avec un message inquiétant. La réaction des détectives est très drôle:

SCÈNE REPRISE N°1:

  "He hung up. For a long moment no one said anything. The Pete stood up.
  "I've got to get home." he said. "I just remembered something I have to attend to."
  "Me, too." Bob hopped up. "I'll go with you."
  "Possibly Aunt Mathilda would like me to do some errands," Jupiter said, and he got up, too. They practically fell over one another in their eagerness to get out of Headquarters.
  The voice on the phone hadn't finished the sentence. But they didn't have trouble figuring what he - or it, or whatever it was - had been trying to tell them.
  Stay away from Terror Castle!"

  "Hannibal raccrocha. Pendant un bon moment, aucun des garçons ne souffla mot. Enfin Peter se leva:
  "Il faut que je rentre, déclara-t-il. Je viens de me rappeler que j'ai du travail à la maison.
  -Moi aussi, dit Bob. Je pars avec toi.
  -Tante Mathilda doit sûrement avoir des commissions pour moi", s'écria Hannibal en se levant aussi.
  Il se bousculèrent dans la porte, tant ils étaient pressés de quitter le P.C.
  Sans doute, la voix du téléphone n'avait-elle pas terminé sa phrase. Mais il n'y avait aucun doute sur ce que l'homme - ou la chose - avait essayé de dire:
  "Abandonnez le château des Epouvantes." (Traduction de Vladimir Volkoff)

  Et c'est ainsi que Nick West la reproduit presque à l'identique dans le Chapitre 9 de The Mystery of the Coughing Dragon.  Ce chapitre est intitulé "Message from a Ghost"/"Allô! ici, un revenant!" (on se demande si le mot "revenant" n'a pas été sciemment choisi pour faire écho au titre français du premier tome. Claude Voilier aurait-elle compris la référence cachée?). Parmi les détails qui diffèrent, Bob est absent :

Jacques Poirier, 1973.
 "Jupiter hung up. For a moment, he and Pete sat staring at the phone. Then Pete hopped up.
  "I just remembered we're having dinner early tonight," he said. "I'd better get on home."
  Jupiter jumped up. "I'll leave, too. Aunt Mathilda might want me to clean up the yard a little."
  Quickly both boys bolted from the trailer.
  "They hadn't had any trouble understanding what the ghostly voice had told them. It was a very simple message.
  Keep away from my cave!
  Dead man tell no tales!"
Jacques Poirier, 1973.
  "Hannibal raccrocha. Pendant d'interminables secondes, Peter et lui restèrent le regard rivé sur l'appareil désormais muet. Puis Peter se leva d'un bond:
  "Je me rappelle que mes parents m'attendent, dit-il. Nous devons dîner de bonne heure aujourd'hui."
  Hannibal se mit vivement debout à son tour:
  "Je m'en vais aussi, déclara-t-il. Tante Mathilda pourrait avoir besoin de moi pour mettre un peu d'ordre dans la cour."
  Les deux garçons quittèrent leur Quartier Général comme s'ils avaient le feu aux trousses.
  Chacun tournait et retournait dans sa tête le message que la voix d'outre-tombe venait de leur délivrer:
  "Restez à l'écart de ma caverne!
  "Les morts ne menacent pas en vain!"

  La deuxième ligne ne vous dit-elle pas quelque chose? En effet, Nick West ne ferait-il pas un clin d’œil à la partie de l'énigme apprise par Blackbeard/Barbenoire dans le deuxième volet, The Mystery of the Stuttering Parrot/Le Perroquet qui bégayait?
  Si vous l'aviez oublié, sur l'illustration ci-dessus, Jacques Poirier vous rappelle une fois de plus que Blackbeard/Barbenoire, le mainate habite toujours dans le Quartier Général. Et la transition est toute trouvée! Bien que le texte n'en fait pas mention dans ce chapitre, il contribue dans une deuxième scène reprise. Cette fois-ci, c'est une scène située dans le Chapitre 9 de The Mystery of the Fiery Eye/Treize Bustes pour Auguste

SCÈNE REPRISE N°2:

  Face à un danger potentiel, Peter souhaite abandonner l'enquête et propose un vote... avec un allié inattendu:

  "Let's put it to a vote," Pete suggested. "I vote we abandon the case now. All in favour say aye!"
  "Aye! Aye! Aye!" The word rang out several times. However, it was spoken by Blackbeard, the trained mynah bird whose cage hung over the desk in Headquarters.
  Nobody but Blackbeard voted with Pete. [...]
  "Dead men tell no tales!" Blackbeard called out and laughed shrilly.
  "Quiet you!" Pete snapped. "Do you have to rub it in?"

  "Mettons la question aux voix! s'écria Peter. Je vote pour que nous renoncions à récupérer le rubis. Que tous ceux qui sont d'accord avec moi disent oui!
  -Oui! Oui! Oui!"
  Le mot retentit trois fois, sans la moindre hésitation. Mais il avait été prononcé par Barbenoire, le mainate apprivoisé dont la cage se balançait au-dessus du bureau d'Hannibal au P.C. des Trois jeunes détectives.
  En fait, Barbenoire fut le seul à voter pour Peter. [...]
  "Les morts ne racontent pas d'histoires!" hurla encore Barbenoire en se tordant de rire... Un rire fort sinistre du reste."
  "Oh! toi! Boucle-la! ordonna fort peu protocolairement Peter. Tu n'as pas voix au chapitre..."

  The Mystery of the Coughing Dragon, Chapitre 10:

   ""Let's vote on it," Pete suggested hastily. "My vote is we abandon the case now. All in favour say aye!"
  "Aye! Aye! Aye!" The word was repeated shrilly by Blackbeard, the trained mynah bird whose cage hung near the desk in Headquarters.
  "Quiet, you!" Pete snapped. "Your're not a paid-up member of this club. We only allow you to live here!"
  "Dead men tell no tales!" Blackbeard called out and laughed shrilly."

  "Votons! proposa Peter. Personnellement, je suis d'avis d'abandonner le cas.
  -Cas! Cas! Cas! répéta sur un ton aigu Barbe-Noire, le mainate apprivoisé dont la cage trônait sur le bureau du Q.G.
  -Oh, toi, la paix! lança Hannibal; Tu n'es pas un membre assermenté de ce club. Tu as juste le droit de te taire.
  -Les morts ne menacent pas en vain!" s'écria encore l'oiseau en agitant ses ailes."

NOTE: comme je l'ai souvent remarqué Claude Voilier met une réplique dans la bouche d'un autre personnage sans raison particulière. Ici, au lieu de Peter, c'est Hannibal qui répond au mainate. On pourrait aussi discuter de la phrase "Dead men tell no tales", traduite différemment dans les deux volets.

  Comme dans la scène reprise, Pete n'obtiendra pas gain de cause. Jupiter/Hannibal est toujours gagnant dans les décisions concernant une enquête. Il lui arrive même, quand Pete et Bob vont contre son choix, de se servir d'un privilège de véto attribué, arbitrairement et avec mauvaise foi, à sa fonction de leader. Tout comme dans cette scène du Chapitre 1 de The Mystery of the Vanishing Treasure/L'Arc-en-ciel a pris la fuite:

SCÈNE REPRISE N°3:

  Nous sommes au début du roman et Jupiter/Hannibal souhaite se rendre au musée où sont exposés les bijoux pour mettre en pratique son jeu de rôle, celui qui consiste à se mettre dans la peau d'un voleur:

  "We'll be wasting our time," Pete said. [...]
  "I vote with Pete," Bob declared. [...]
  "That's two to one, Jupe,' Pete pointed out. "You're outvoted."
  "[...] But we have earned some extra money from helping Uncle Titus all week," Jupiter remeinded him. [...] It is an ideal opportunity to go over to Hollywood and inspect the Rainbow Jewels in the Peterson Museum [...]."
  "I have a feeling," Bob muttered to Pete, "that we're going to be outvoted, one to two."

  "Perte de temps! décida Peter. [...]
  -D'accord, dit Bob. [...]
  -Deux contre un! remarqua Peter. Babal, tu es battu à une écrasante majorité.
  -[...] Nous avons travaillé toute la semaine pour oncle Titus, si bien que nous avons une petite avance financière, répliqua Hannibal. Voir l'Arc-en-ciel pour moitié prix, c'est une occasion à ne pas manquer.
  -Peter! s'écria Bob, j'ai l'impression que nous allons être battus, toi et moi, à une écrasante minorité!"

  Nick West réutilise ce véto de Jupiter/Hannibal dans le Chapitre 5 de The Mystery of the Coughing Dragon:

  "[...] How do you fellows feel about taking a quick look at that cave [...]
  "Pete looked towards the cliff ridge. "You mean the one the dragon's supposed to have gone into? I'll give you my vote in two words, Jupe. Forget it."
  Jupiter nodded. "How do you feel, Bob?"
  "Like Pete," Bob answered [...]
  "I suggest we take a look," [Jupiter] said. "Then, when we get home, we'll have a better idea of what we're up against." [...]
  Pete looked at Bob. "How come he always outvotes us, one to two?"
  Bob shrugged. "He's just more stubborn than we are. You and I are probably nicer people."
  "Yeah," Pete muttered. "A lot of good it does us [...]"

  "[...] Que diriez-vous d'aller faire un tour du côté de la caverne?"
  Peter regarda vers la falaise.
  "Tu veux parler de celle où s'est réfugié le dragon? Eh bien, ma réponse est: tout sauf ça!
  -A toi de donner ton avis, Bob! dit Hannibal en se tournant vers "Archives et Recherches".
  -Je pense exactement comme Peter, avoua Bob. [...]
  -Essayons au moins d'avoir un aperçu de l'endroit! Comme ça, une fois de retour à la maison, nous aurons une idée plus nette de la situation."
  [...] Peter regarda Bob.
  "Comment se fait-il que sa décision l'emporte toujours, même quand il est seul contre nous deux? maugréa-t-il.
  -C'est sans doute qu'il a plus de volonté que nous... ou que nous sommes plus accomodants que lui!
  -Oui, ça doit être ça! [...]"

  Avez-vous remarqué l'utilisation du "fellows"? On en trouvera quatre autres d'ailleurs (Chapitres 3, 4, 8 et 16). Est-ce une gentille et cordiale moquerie à l'égard de son confrère William Arden qui en a abusé dans le volet précédent?
  Encore une fois, ce n'est qu'une forte présomption, mais Nick West semble confirmer son sens de la parodie subtile. On peut presque considérer les deux dernières répliques ci-dessus comme un autre clin d’œil aux mordus de la série.

3.Personnage de Pete Crenshaw/Crentch:

  Ce personnage nous est toujours présenté comme le sportif, l'athlète, le moins intellectuel des trois détectives. Une autre de ces particularités, on l'a vu plus haut, est que paradoxalement il est aussi le plus trouillard. Tout au long de la série, il manifeste très souvent sa réticence à s'aventurer un peu trop loin dans une enquête quand elle prend des virages un peu trop dangereux.
  Tout comme William Arden étoffait le personnage de Jupiter Hannibal, Nick West, on en trouve déjà beaucoup d'exemples plus haut, développe et renforce l'humour de son adjoint, Pete Crenshaw/Crentch. Alors que dans les tomes précédents, ils se comptent sur les doigts d'une main par volets, j'ai eu l'impression que Nick West a multiplié ces interventions sarcastiques.
  En voici quelques exemples:

-Chapitre 1:

  "You made only one mistake," Pete said. "You told Mr Hitchcock it could be our most exciting case."
  "Well, yes, I did," Jupiter replied. "Don't you agree?"
  "Not entirely," Pete said.
  "What would you have said, then?"
  "As long as there's a dragon in it," Pete said, "I would have said - this could be our last case!"

  "C'est que... je crois que nous ne tirerons jamais cette histoire au clair, Babal!
  -Ah! non! Et pourquoi?"
  Peter poussa un gros soupir.
  "Parce que, répondit-il d'un ait lugubre, si ce dragon est bien vivant, nous n'aurons pas le temps d'aller jusqu'au fond du mystère. Le dragon nous aura dévorés avant!"

NOTE: Claude Voilier a choisi une intervention moins allusive, plus explicite que Nick West.

-Chapitre 2:

  "[...] Aren't you curious about men who live in this lonely section and don't need dogs to protect them?"
  "No, I'm not," Pete said. "As a matter of fact, I'm wondering why I haven't bought a dog yet to protect me! A large one that's not afraid of dragons!"

  "[...] Cela ne vous étonne pas, vous autres, que des gens vivant aussi isolés ne possèdent pas de chien pour les défendre?
  -Ma foi non! répondit Peter. Quoique maintenant que tu m'y fais penser, je me demande pourquoi je n'ai pas acheté un chien pour me défendre, moi! Un chien assez gros pour ne faire qu'une bouchée du dragon!"

NOTE: le texte original parle d'un chien "qui n'a pas peur des dragons", Claude Voilier passe à l'étape supérieure en le rendant vainqueur d'une confrontation.

-Chapitre 5:

  "Now what do we do?" Bob asked. "Wait for Hans to pick us up?"
  "I move that we keep running all the way to Rocky Beach," Pete said. "What's twenty miles when you consider how much safer it is there?"

  "Et maintenant que faisons-nous? demanda Bob. Nous attendons que Hans vienne nous chercher?
  -Moi, dit Peter, je propose de prendre nos jambes à notre cou et de rentrer droit à Rocky. La distance ne compte pas quand le danger vous talonne."

-Chapitre 12:

  "Bob shook his head. "If that wasn't a real live dragon, I'll eat my shirt." [...]
  "It's too late now to discuss it," Jupe said. "I'll give you my reasons for not believing that was a real live dragon tomorrow morning. And if i'm proved wrong next time we visit the cave, I'll do as you threatened, Bob - I'll eat my shirt."
  "You won't have to bother," Pete said. The dragon will eat it for you. And whatever else is handy."

  "Mais, voyons! protesta Bob. Je soutiens, moi, qu'il était plus vrai que nature. [...]
  -Ce n'est pas le moment d'engager une discussion. Je vous expliquerai plus tard pourquoi je suis sûr d'avoir raison. Du reste, nous vérifierons sur place.
  -Si le dragon ne t'a pas dévoré avant!" conclut d'un air sombre.

NOTE: Claude Voilier conserve bien la blague finale, mais pas ce qui l'amène. Alors qu'elle aura pu utiliser l'expression "ma main à couper", elle aurait parfaitement convenu. De plus elle omet "And whatever else is handy" qu'on peut traduire par "quoi qui soit aussi à portée", sous-entendu de la gueule du dragon.

-Chapitre 13

  "Well, to begin with," Jupe said. "We didn't see-"
  He was interrupted by the telephone ringing.
  Jupe reached for it, and then hesitated.
  "Go ahead. Pick it up," Pete said. "It might be another call from that dead guy - or ghost. He probably tried to tell that dragon to keep out of his cave, too."

  "Eh bien, pour commencer, dit Hannibal, nous n'avons jamais vu..."
  La sonnerie du téléphone l'interrompit. Il allongea le bras pour décrocher le combiné, puis parut hésiter.
  "Vas-y! Décroche! conseilla Peter. C'est peut-être un autre appel de notre ami le revenant! Je parie qu'il a prié le dragon de se tenir lui aussi à l'écart de sa caverne!"

  Sur la page Wikipedia consacrée à Kin Platt, il y a une citation de Al Jaffee, un des principaux contributeurs de Mad Magazine, qui compare Kin platt à Groucho Marx. Selon Jaffee, les deux hommes partageaient, outre une petite ressemblance physique, "le même sens de l'humour et la même façon de l'exprimer." L'une des qualités reconnues de Groucho Marx étaient ses fameux traits d'esprit, bon mots, bref de quelque façon qu'on puisse traduire le terme "one-liner". Est-il complètement tiré par les cheveux de considérer que les interventions de Peter, toutes proportions gardées, en sont un équivalent, une projection tout au long de cette première contribution de Kin Platt alias Nick West?

4.Complicité, sarcasmes et ironie moqueuse:

  C'est ainsi que l'humour de Nick West se manifeste, outre l'aspect parodique de certaines scènes, par le biais de Peter. La réaction à ses blagues n'est pas toujours mentionnée. Mais, bien qu'elles laissent la plupart du temps Jupiter/Hannibal indifférent, Nick West lui attribue parfois dans ce volet un petit sourire. L'auteur nous fait un autre clin d’œil au chapitre 10, à travers la condescendance du détective en chef envers son adjoint après une autre remarque ironique:

  "[...] It was actually scary, wasn't it, Pete?"
  Pete shrugged. "No more than anything else that's happened so far." He pushed back his hair. "If I'm not grey yet, maybe I will be by tomorrow."
  Jupiter grinned. "You're no more scared than any of us, Pete. You're just putting on an act."
  "Want to bet?" Pete said."

  "[...] L'effet était plutôt effrayant, n'est-ce pas Peter?
  -Pas plus que ce qui nous est déjà arrivé depuis le début de cette histoire, dit Peter en rejetant sa chevelure en arrière. Si mes cheveux ne sont pas blancs dès aujourd'hui, ce sera pour demain."
  Hannibal ricana:
  "Tu n'es pas plus effrayé que nous, Peter! Tu joues la comédie.
  -Qu'est-ce que tu paries!" dit Peter."

  Autre réaction, celle de Bob qu'on surprend à jouer le jeu, à rebondir sur les blagues ou sarcasmes de Peter. On l'a vu lorsqu'ils se résignent avec humour quand ils ont affaire à l'entêtement de leur chef. On peut trouver un autre exemple qui se trouve au chapitre 3, après leur rencontre avec le patibulaire Mr. Carter.

Jacques Poirier, 1973.
  "I don't believe Mr Carter ever intended to shoot us," Jupiter said. "He was merely acting out his
anger. I happened to trigger him off by bringing up the one subject that annoys him. Dogs!"
  "I think he's got another subject now," Pete said. "People!"
  Jupiter pursed his lips thoughtfully. "We'll have to be more careful the next time we approach Mr Carter."
  Pete shook his head. "No, sir. The next time you can be careful approaching Mr Carter all you want. You won't have to worry about me, because I won't be there. I forgot to tell you, I have a very delicate skin. It's allergic to lead."
  "Me, too," Bob said. "If I'm going to be shot at, I prefer a water pistol at ten paces."

  "En brandissant cette arme, continua Hannibal, M. Carter extériorisait simplement sa colère. Je l'ai mis hors de lui en abordant le seul sujet qu'il ne fallait pas: les chiens!
  -Il me semble qu'il a un autre sujet de haine, fit remarquer Peter: les gens!
  -Eh bien, dit Hannibal, la prochaine fois que nous approcherons M. Carter, nous y mettrons plus de formes."
  Peter secoua la tête avec énergie.
  "Non, mon vieux. La prochaine fois, tu feras ce que tu voudras, toi! En ce qui me concerne, il n'y aura pas de prochaine fois. Je te laisserai tout le plaisir. J'ai oublié de te signaler que j'avais l'épiderme extrêmement sensible. Il est allergique au plomb de chasse.
  -C'est comme moi, renchérit Bob. Si quelqu'un doit me tirer dessus, je préfère que ce soit avec un pistolet à eau!"

  Ou encore dans le Chapitre 6:

  "[...] Overhead a few seagulls, screaming raucously, swooped about in erratic flight.
  Pete pointed to one of the gulls who had just landed.
  "Maybe we ought to ask one of them if he saw a dragon recently. That would save us a lot of trouble."
  "Good idea," Bob said. "And if they don't talk, there's that tug with the salvage rig about a mile out."

  "[...] Au-dessous de leurs têtes, des oiseaux de mer décrivaient des cercles en poussant des cris discordants.
  Peter désigna du doigt quelques mouettes qui venaient de se poser non loin de là:
  "Peut-être devrions-nous leur demander si elles n'ont pas vu un dragon récemment, dit-il. Cela nous épargnerait bien des pas inutiles.
  "Bonne idée! répliqua Bob. Et si elles ne répondent pas, nous pourrions toujours poser la question à cette espèce de remorque affublé d'une voile grossière qui semble en train de pêcher là-bas!"

  Je viens d'extraire deux extraits où la blague surgissait nonchalamment dans le dialogue. Mais parfois, la saiillie se destine, tout en restant innoffensive, à quelqu'un en particulier. Le Chapitre 8 est très représentatif. La blague est en trois temps.
  C'est à l'aide de la ceinture de Jupiter/Hannibal que Bob est sorti littéralement d'un trou:

  "The wet figure dropped beside them, panting heavily.
  "Thanks, fellows."
   "It was Jupe's idea," Pete said. He glanced down ruefully at his own belt. "I'm wearing a belt, too. I just never thought of using it."
  "Perhaps that's because you're not as weight conscious as I am," Jupiter said, smiling. "Besides, since my waist is wider than yours, my belt is longer."
  Bob wiped mud from his face. "It worked fine, Jupe. I'll never kid you about being averweight again."

Jacques Poirier, 1973.
  "Bob se laissa tomber à côté de ses camarades. Il était exténué.
  "Merci à tous deux! dit-il en haletant. Je vous dois une fière chandelle.
  -C'est Babal qui a eu l'idée d'utiliser sa ceinture, expliqua Peter. J'en ai une, moi aussi, mais je n'ai pas songé à m'en servir.
  C'est que, d'instinct, tu savais qu'elle serait trop courte! plaisanta Hannibal. Tu vois que ça me sert d'être plutôt fort. Mon tour de taille est supérieur au tien... et ma ceinture plus longue!"
  Bob essuya la boue qui lui couvrait le visage.
  "Elle m'a été terriblement utile, mon vieux Babal. Je te promets de ne jamais plus me moquer de tes kilos en trop!"

  Dans ce même chapitre, de mysterieux et menaçants plongeurs font leur apparition, et les jeunes détectives doivent se cacher pour éviter cette mauvaise rencontre. Et l'embonpoint de Jupiter/Hannibal est remis sur la table, mais cette fois il pose un petit problème:

  "Quickly, they dropped to their knees and scooped away the sand. The wide plank above it suddenly moved.
  "That's it," Jupiter said. Now, if we can turn it enough for us to slip through-"
  Once they had disturbed its base, the plank was easy to manage. Bob and Pete went through. Then it was Jupiter's turn.
  He struggled to get through the narrow opening.
  "Can't do it," he gasped. "Still-too fat!"
  "Bob and Pete hastly scooped out more sand below, from the other side. The plank swung open, and Jupiter heaved himself through."
 
Jacques Poirier, 1973.
  "Les trois amis se mirent à genoux et creusèrent à toute allure. La planche remua.
  "Parfait! dit Hannibal. A présent, essayons de l'écarter des autres suffisamment pour pouvoir nous glisser dans l'intervalle!"
  Maintenant qu'elle avait du jeu, la planche était facile à manier. Bob et Peter pénétrèrent derrière. A son tour, Hannibal tenta de se faufiler par l'étroite ouverture.
  "Je... je n'y arrive pas! Je... je suis trop gros!"
  Bob et Peter poussèrent la planche de toutes leurs forces. Hannibal réussit enfin à passer."

  Vous vous demandez où je veux en venir, il n'y a aucune véritable blague dans les deux extraits précédents. En fait, la chute qui fait de ce chapitre une blague à mèche longue se trouve à la fin, lorsque les plongeurs ne sont plus un danger et que nos trois amis doivent sortir de leur cachette:

  "They've gone," he whispered. "Let's get out while we can."
  They scooped away the loose sand again, and carefully eased back the plank.
  "You first this time, Jupe," Pete whispered. "If you get through, Bob and I can make it easily."
  Jupiter took the suggestion with a smile."

  "Ils sont partis. Profitons-en pour filer!"
  De nouveau, les trois garçons écartèrent la planche.
  "Vas-y le premier cette fois, Babal! conseilla Peter dans un souffle. Car si tu passes, nous passerons aussi!"
  Hannibal sourit et se faufila hors de l'abri."

  Si Bob a promis de ne plus faire de blague sur le physique de Jupiter/Hannibal, ce n'est pas le cas de Pete! Si le chef des détectives ne se montre pas susceptible et accepte la blague c'est parce qu'ils auraient pu être répérés par les pêcheurs à cause de lui. J'ai isolé une scène entière ou Peter et Bob se liguent encore gentiment contre leur chef (voir "Une belle cascade").
  L'ironie de Pete sur ce sujet reviendra même plus loin, dans le Chapitre 12 dans une scène qui se trouve être une variante d'une autre du tout premier volet.

SCÈNE REPRISE N°4:

  The Secret of Terror Castle/Au Rendez-vous des Revenants, Chapitre 5:
  Suite à une petite frayeur, Jupiter/Hannibal et Pete pique une véritable pointe:

  "[Pete] turned. He didn't intend to turn. His feet did it for him. They took him straight out the main entrance and down the old drive way, running like a deer.
  Right beside him was Jupiter Jones. It was the first time Pete had ever seen his partner run away from anything so fast.
  "I thought you said your legs took orders from you," he called.
  "They do," cried Jupe. "I ordered them to run."
  And run they both did, in great strides. Their torches made wild bobbing paths of light in front of them as they left the silent, brooding bulk of Terror Castle and that awful, uncontrollable feeling of creeping, crawling fear."

  "[Pete] tourna les talons. Il n'en avait pas l'intention, mais ses talons l'y obligèrent. Deux minutes plus tard, il était sorti du château et galopait dans l'allée à la vitesse où galopent d'ordinaire les chevaux de course.
  A côté de lui, courait Hannibal. C'était la première fois de sa vie que Peter voyait Hannibal se sauver à une allure pareille.
  "Je croyais que tes jambes avaient l'habitude de t'obéir! haleta Peter.
  -Bien sûr. Et je leur ai commandé de filer!" répondit son compagnon, du même ton.
  Ils n'avaient pas ralenti pour autant. Leurs torches électriques zébraient la nuit.
  Derrière les garçons, se dressait la masse menaçante du château des Epouvantes, source mystérieuse d'une panique qui demeurait inexpliquée."

The Mystery of the Coughing Dragon, Chapitre 12:
  Cette fois, Bob est présent:

"Jupiter didn't intend to lead the way. His feet did it for him. They took him straight out of the mouth of the cave. Then he was on the sand, running.
  Right beside him was Pete. Pete was the best athlete of the trio, and the fastest runner. Bob was next. Ordinarily neither of them would have any trouble passing Jupiter.
  Their torches made erratic bobbing paths of light as they ran. [...] Behind them was the roaring creature that had come out of the sea, and was angrily looking for them [...].
  "I didn't know you could run so fast, Juipe," gasped Pete.
  "Neither did I," Jupe replied through puffed cheeks. "Maybe - it's because - I never saw - a dragon before."
  "Whiskers!" Bob exclaimed, as he leaned back against the leather-cushioned seat. "Am I glad we've got the use of this car!"
Jacques Poirier, 1973.
    "[Hannibal] n'avait pas l'intention de conduire la retraite. Ses pieds le firent pour lui. Ils le portèrent en un clin d'oeil hors de la caverne et il se retrouva en train de courir sur la plage sans même savoir comment il y était arrivé.
  Peter courait à côté de lui. Bob venait derrière. Peter était le plus sportif des Trois Détectives et le meilleur coureur. En temps normal, Bob lui-même aurait facilement battu Hannibal à la course. Mais aujourd'hui Hannibal avait des ailes aux talons.
  Balancées au rythme de leur course, les lampes des garçons éclairaient irrégulièrement le sable sous leurs pas. [...]
  Derrière eux, ils laissaient la terrifiante créature venue de l'océan et qui, sans doute, était à leur recherche. [...]
  "Je ne savais pas que tu pouvais courir aussi vite, Babal! déclara Peter.
  -Je ne le savais pas davantage, répliqua Hannibal encore hors d'haleine. Peut-être est-ce parce que n'avais pas vu de dragon auparavant!
  -Nom d'un pétard! s'exclama Bob en se rejetant avec satisfaction contre le dossier rembourré de son siège. Je suis bien content que nous ayons pris la Rolls ce soir!"

NOTE: alors que dans la dernière réplique de Bob, Claude Voilier spécifie "ce soir", je pense que c'est un clin d’œil de plus de la part de Nick West envers ses lecteurs.

  N'oublions pas qu'avant d'être détectives Jupiter/Hannibal, Peter et Bob sont des amis et l'un des ciment de cette complicité se trouve être les blagues partagées, ponctuelles ou récurrentes. Cette complicité trouve un écho méta-textuel à travers les allusions de Nick West que seuls les lecteurs assidus peuvent déceler.
  Afin d'introduire la prochaine partie, il me faut rappeler la façon de parler érudite voire pompeuse du détective en chef. Nick West l'explicite dès le premier chapitre:

  "Jupiter nodded slowly and reluctantly. "Perhaps you two are right," he admitted. "It may be just a freak coincidence, much as I dislike making such an assumption."
  The other two boys smiled. It was Jupiter's habit of using long words whenever possible, apart from his keen deductive abilities as an investigator, that endeared him to them and made him the acknoledged leader of the three."

  "Hannibal acquiesça à contrecoeur.
  "Oui, soupira-t-il. Ces disparitions simultanées ne sont sans doute que pure coïcidence, encore que cette hypothèse soit en contradiction avec mes intuitions secrètes!"
  Peter et Bob sourirent. Il n'était pas rare qu'Hannibal usât de tournures de phrases compliquées et d'un vocabulaire précieux. Cela le distinguait des autres qui admiraient sa facilité d'élocution. Et ses discours alambiqués impressionnaient parfois aussi les grandes personnes."

NOTE: La traduction de Claude Voilier est encore une fois assez différente. Tout en omettant les "facultés de déduction en tant que détectives" et le fait que les deux autres le "reconnaissent comme le meneur", elle ajoute que son vocabulaire choisi fait son effet sur les adultes, ce qui peut être jugé comme un bon ajout. C'est un élément récurrent de la série qu'il est pertinent de rappeler. Même si on peut lui reprocher de ne pas forcément toujours respecter les tournures affectées du personnage. Je peux citer comme exemple le début du Chapitre 6 où il dit "Your statement is correct" ("Ton affirmation est correcte") ou "I'm inclined to believe that I had help" ("Je suis tenté de penser que...") que la traductrice traduit faiblement par "Tu as raison" et "Mais on m'a un peu aidé" qui "rabaisse" un peu la préciosité que met Nick West dans les mots de Jupiter.

  Mais malgré le sourire échangé entre Peter et Bob, ce trait de caractère de leur chef laisse parfois l'incompréhension s'installer notamment entre Jupiter/Hannibal et Peter.
  On se souvient des exemples se trouvant dans la première contribution de William Arden, The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable, le dixième volet de la série. A deux reprises, Peter manifestait son incompréhension et de qui avait-t-il besoin à ces moments-là? Bob Andrews/Andy, alias Archives et Recherches, bien évidemment!

5.Le personnage de Bob Andrews/Andy:

  Ainsi tout en reprenant un élément caractéristique du chef, Nick West utilise également ce que l'on peut considérer comme une private running joke partagée avec les lecteurs. L'échange suivant du chapitre 13, pourrait être vu comme une autre scène reprise, mais je me contente de ne citer que ces lignes-là:

  "Which brings me to my next observation," Jupe said. "And that is, I have found Mr Allen, whom we are supposed to be working for, not altogether reliabe in his statements in so far as the truth is concerned."
  "Huh?" Pete scowled questioningly at Jupe.
  "He's trying to tell us old man Allen is lying," Bob explained.
  "Well, why didn't he say so?" Pete asked, aggrieved. He looked at Jupe. "See if you can tell me in words I can understand what the old boy was lying about."

  "J'ai fait, moi, une autre constatation, déclara Hannibal. Je viens de découvrir que M.Allen, pour qui nous sommes censés travailler, ne dit pas toujours la vérité.
  -Comment cela? s'écria Peter.
  -Tu veut dire qu'il ment? s'exclama Bob stupéfait."

NOTE: Malheureusement, Claude Voilier, par son choix de traduction, efface cette allusion. Non seulement la question de Bob parait du coup un peu stupide puisqu'il s’adresse à Hannibal, ne faisant que le paraphraser, mais elle supprime également au passage la réplique de Peter.

  Ce n'est pas la première fois, je l'ai déjà dit, que Bob joue l'intermédiaire, le trait d'union entre ses deux amis. C'est encore ce rôle qu'il joue au début du Chapitre 15, lorsqu'au lieu, pour une fois, de rebondir sur une blague de Peter, il s'aligne aux contestations légitimes de ce dernier. Et ce sans tout autant amorcer une mutinerie contre le chef qui a tendance à les agacer par des déclarations énigmatiques:

  "Pete suddenly exploded. "Maybe it's time you stopped being so mysterious, Jupe, and told us what's going on. We became The The Three Investigators to solve riddles and unexplained musteries. Nobody said anything about becoming Kamikaze suicide pilots. I like my life. Bob probably likes his, too. How about it, Bob?"
  Bob nodded, smiling. "I do, I do! And if I lose it, who will you get to do your research and keep your records? Pete's right, Jupe. What gives?"

  "La déclaration d'Hannibal fit exploser Peter:
  "Cesse donc de te montrer aussi mystérieux, Babal! s'écria-t-il. Dis-nous plutôt ce que tu as découvert. Nous nous sommes faits détectives pour résoudre des énigmes et des problèmes compliqués, pas pour nous suicider en choeur. Je tiens à la vie, moi! Et je suppose que bob tient également à la sienne. Pas vrai, mon vieux?"
  Bob sourit et acquiesça:
  "Bien sûr que je tiens à l'existence! Et si je venais à mourir, qui s'occuperait de vos recherches et tiendrait en ordre vos archives? Peter a raison, Babal. Mets-nous au courant de la situation, veux-tu?"

  Cet extrait m'est très utile, puisque Bob lui-même rappelle sa fonction primordiale dans la série, son rôle même d'Archives et Recherches. Son travail à temps partiel à la Bibliothèque municipale de Rocky est le parfait prétexte établit par Robert Arthur pour lui permettre d'effectuer les recherches qui s'imposent lors d'une enquête. Et Nick West ne l'oublie pas, la preuve en est cette scène extraite du Chapitre 7 de The Mystery of the Fiery Eye/Treize Bustes pour Auguste qu'il recycle à sa façon.

SCÈNE REPRISE N°5:
  Dans cette scène, Bob se rend à la bibliothèque et Miss Bennett, sa supérieur, lui demande de l'aider même s'il n'est pas venu pour travailler. Il tombe par hasard sur un livre qui l'aidera dans l'enquête en cours:

  "[...] The librarian called his attention to some books that had been left on one of the reading-room tables. Bob gathered them up. As he looked at the one on top, he almost jumped in surprise.
  The title was Famous Gems and Their Stories. It was the very book he had come to the library to consult."

  "[...] Miss Bennett poussa vers lui une grosse pile de livres rendus [...]. Comme il en restait encore quelques-uns sur les tables de lecture, il entreprit de les rassembler. Soudain, il tressaillit de surprise. Le titre du bouquin qu'il venait de saisir était Les pierres précieuses et leur histoire... C'était là l'ouvrage qu'il se proposait de consulter lui-même."

  The Mystery of the Coughing Dragon, Chapitre 10:

  "[...] He turned to the reading-room tables. A lot of books had been left out, and he gathered them up. The title of the one on top was Legends of California. He flipped the pages idly and saw one chapterr entitled "Seaside: Dream of a City That Died".
  "Hmmm," Bob said to himself. "That might be interesting."
  He put it aside thoughtfully. This was a lucky find."
Jacques Poirier, 1973.
  "Bob se mit à replacer les livres sur les étagères. Le titre de l'un deux le frappa au passage: Légendes de Californie. Quand il eut finit son travail, il profita de ce moment de répit pour feuilleter le bouquin. L'un des chapitres était intitulé: "Seaside. Le rêve d'une cité défunte."
  "Hum! murmura-t-il. Voilà qui semble intéressant!"

  La parodie du personnage et de son rôle par Nick West se décèle également à deux reprises lorsqu'il transmet le résultat de ses recherches en bibliothèque sur les dragons... entrecoupé d'interventions sarcastiques de Peter! La première occurrence se trouve au Chapitre 2:

  "You've had time for a little research, Bob," Jupiter said. "What can you tell us about dragons?"
  "A dragon," Bob said, "is a mythical monster, usually represented as a large reptile with wings and claws, breathing out fire and smoke."
  "I haven't done any research," Pete interrupted. "But I think Bob left out something important. Dragons are not friendly."
  "I would have mentioned that, too," Bob said, "but Jupiter is interested only in facts. Dragons are mythical, which means they aren't real. So if they aren't real, we don't have to worry if they're friendly or not."
  "Exactly," Jupiter said. "Dragons are creatures of the legendary past. If there ever were any actual ones, it would seem they're all been eliminated by the due processes of evolution."
  
  "Tu as eu le temps de te documenter, n'est-ce pas, Bob? demanda Hannibal. Qu'as-tu appris sur les dragons?
  -Un dragon, récita Bob, est un monstre mythique, généralement représenté comme un énorme reptile avec des ailes et des griffes, et crachant du feu et de la fumée...
  "Je ne me suis livré à aucune recherche, coupa Peter, mais il me semble que Bob oublie une chose fort importante: les dragons ne sont pas d'un tempérament sociable."
  -Tu ne m'as pas laissé le temps de le signaler, protesta Bob. D'ailleurs le fait n'a aucune importance, contrairement à ce que tu affirmes. Les dragons appartiennent au monde de la légende, ce qui signifient qu'ils n'existent pas, peu importe qu'ils soient sociables ou non!
  -Parfaitement! dit Hannibal. Les dragons sont des créatures appartenant au monde du merveilleux. Si par hasard il y en a eu jadis, il parait logique de penser que, selon les lois de l'évolution, l'espèce en est éteinte."

  Puis, au Chapitre 13, Bob rend compte de recherches un peu plus poussées:

  "I remembered what you said last night about the dragon," Bob said. "And I went straight from my house to the library this morning  and did a lot of research before our meeting."
  Jupiter glanced at the papers in Bob's hand.
  "I believe it would be most constructive to our meeting this morning, Bob, if you came directly to the point," Jupe said. "To wit, are there dragons living today, or not?"
  Bob shook his head. "Not. No dragons. Not a single book gave any evidence of dragons living today."
  'That's crazy!" Pete exploded. "Those guys just don't know where to look. If they spent a little time around a certain cave in Seaside at night, they'd find one, all right. A nice big one!"
  Jupe held up his hands. "I suggest we listen while Bob reads his report. Then we'll discuss it. Continue, Bob."
  Bob looked down at his notes. The closest thing I found to a dragon is a huge lizard called the Dragon of Komodo. It's large for a lizard - grows up to ten feet long - but nowhere near as big as the dragon we saw."
  "Maybe one of them got some extra vitamins", said Pete. "Maybe that's our dragon."
Jacques Poirier, 1973.
  "Je me suis rappelé ce que tu nous as dit hier soir au sujet du dragon, Babal, et je suis passé à la bibliothèque ce matin pour y faire des recherches. Regarde!"
  Hannibal jeta un coup d'oeil aux feuilles que lui tendait "Archives et Recherches".
  "Je crois, dit le chef des Détectives, que nous irions plus vite si tu commençais par répondre à cette question essentielle, Bob... Y'a-t-il ou non des dragons vivants à l'heure actuelle?
  -La réponse est non! déclara Bob. Les dragons n'existent pas. Aucun ouvrage ne mentionne des dragons en vie de nos jours.
  -Quelle bêtise! s'exclama Peter. Ces bouquins ne savent pas de quoi ils parlent, voilà tout! Si leurs auteurs allaient faire un petit tour dans certaine caverne de ma connaissance, ils seraient vite édifiés! Ils y verraient bel et bien un dragon! Et de belle taille encore!
  -Ne t'emballe pas! dit Hannibal. Écoutons les détails que Bob va nous donner. Ensuite, nous discuterons. Vas-y, Bob!"
  Bob reprit ses notes.
  "L'animal le plus proche d'un dragon est un énorme lézard appelé dragon de Komodo. Il est joliment long pour un lézard, mais ne ressemble guère au monstre de la caverne puisque les plus gros spécimens ne dépassent pas trois mètres!
  -Peut-être l'un d'eux a-t-il pris des vitamines, suggéra Peter, devenant ainsi un dragon."

  Suivra le compte rendu de statistiques sur les décès d'humains dus à des animaux dangereux qu'il serait inutile de recopier. Même si ces recherches sur des créatures imaginaires un peu poussées paraissent un peu exagérées, ces deux passages outre le rôle habituel de Bob et les sarcasmes de Pete révèlent aussi le sérieux de Jupiter/Hannibal dans sa fonction de leader.

6.Jupiter/Hannibal et sa conscience professionnelle:

  Tout d'abord, on trouve dans le premier extrait une indication indirecte du petit pouvoir exercé sur Bob ("Jupiter is interested only in facts."), détail que la traductrice omet. Puis, surtout dans le second extrait, il mène la discussion sans conteste, aussi bien par sa gestuelle ("held up his hands"/non traduit), par sa façon de d'aiguiller la discussion ("if you came directly to the point"/"si tu commençais par répondre à cette question essentielle") qu'en donnant des ordres diplomates mais fermes pour recadrer Pete, le perturbateur ("I suggest...Then we'll discuss it."/"Ne t'emballe pas!...Ensuite, nous discuterons". Le geste de la main a été omis, mais Claude Voilier compense bien en ajoutant cet impératif et un point d'exclamation.).
  Il le fait de façon encore plus ferme dans le Chapitre 4, lors de leur rencontre avec Mr Shelby

  "Jupiter pursed his lips, frowning. "The trouble is, I don't know if I'm allowed to tell you about it."
  "Why not?" Shelby demanded.
  "I think maybe Mr Allen might be embarassed if word of it got about," Jupiter said. "I'm sorry, Mr Shelby."
  The tall man shrugged. "I guess you've got to act like a lawyer in these matters. Protect your client's confidences. Something like that?"
  Jupiter nodded. "And yet, it's odd. You live next to him. It doesn't seem likely that he saw something mysterious round here that you didn't see."
  Mr Shelby grinned. "You seem to have a pretty good vocabulary. Seems to me you could talk a lot clearer, if you wanted to."
  "You're not kidding," Pete said, impatiently. "What Jupe is trying not to say is that Mr Allen saw a dragon come out of the ocean the other night."
  "You shouldn't have said that, Pete," Jupiter said. "We have to keep what our clients tell us in confidence."

  "Eh bien... l'ennuyeux, voyez-vous, c'est que je ne sais pas si je suis autorisé à en parler...
  -Et pourquoi pas? demanda l'homme roux.
  -Je crains que M. Allen ne se sente gêné si je divulgais ses révélations. Excusez-moi..."
  M. Shelby haussa les épaules.
  "Je suppose que, dans votre métier, le secret professionnel est de rigueur. Vous devez garder pour vous les confidences de votre client.
  -Oui, monsieur. Mais je trouve curieux que vous ne puissiez pas me raconter la même histoire que M. Allen. Il a aperçu quelque chose de mystérieux tout près d'ici... et vous n'auriez pu le voir vous-même..."
  M. Shelby sourit.
  "Votre discours lui-même est bien mystérieux, jeune homme. Quelle chose pourrais-je vous confier? Quelle chose aurait-je pu voir? Ne pourriez-vous être un peu plus clair?
  -C'est vrai, ça, Babal! coupa Peter avec impatience... Ce qu'Hannibal devrait vous dire, monsieur, c'est que M. Allen a vu un dragon sortir de l'océan la nuit dernière."
  Le chef des Détectives parut mécontent de l'intervention de son ami:
  "Tu as la langue trop longue, Peter! Tu n'as pas le droit de trahir les confidences de notre client."

NOTE: Remarquez que Claude Voilier explicite ce que Nick West sous-entend. Les questions de M. Shelby ("Quelle chose?") et la réaction d'Hannibal ("parut mécontent").

  Il me semble que c'est la première fois que la notion de secret professionnel s'applique aux Trois Jeunes Détectives. Jupiter/Hannibal manifeste là les signes d'une conscience professionnelle. L'agence des Trois Jeunes Détectives, c'est du sérieux!
  D'ailleurs, au Chapitre 2, Mr Allen peut le constater:

  "I guess it's time we discussed your missing dog and the circumstances, sir. Bob, take notes," Jupiter said.
  Bob, in charge of Records and Research, took out his pad and pencil.
  Mr Allen started, then smiled at this example of the business-like proficiency of the Three Investigators."
Jacques Poirier, 1973.
  "A propos de votre chien, monsieur, dit Hannibal, veuillez nous relater les circonstances de sa disparition, s'il vout plaît... Bob, prends des notes!"
  Bob, préposé aux "Archives et Recherches", tira de sa poche un crayon et un bloc. M. Allen sourit et commença son récit."

NOTE: Il est regrettable que "business-like proficiency" ("l'aptitude/la compétence professionnelle") n'est pas été traduit. Ce détail est pourtant aussi important que l'élocution de Jupiter/Hannibal pour impressionner et convaincre les clients, pour la plupart adultes, à qui le trio à affaire.

  Dans le même ordre d'idée, on trouve à deux reprises des passages où cette fois il est question de publicité. Cette notion est déjà apparue quelques fois tout au long de la série, notamment au début de The Mystery of the Talking Skull/Le Crâne qui crânait, lorsque le trio apparait dans le journal après une vente aux enchères.
  Dans le Chapitre 17, quand Jupiter/Hannibal et Bob trouvent les chiens disparus qui ont amorcé l'enquête, le détective en chef a la présence d'esprit d'effectuer un geste publicitaire alors que le danger approche:

Jacques Poirier, 1973.
 
Jacques Poirier, 1973.
"Jupe had taken a slip of paper out of his pocket. He folded it several times. Then he slipped it under the Irish setter's collar. [...]
  "Bob grinned. "Whiskers! I counted - six! We've found them!"
  Jupe nodded. As each dog wobbled out, he bent and folded a piece of paper under its collar.
  "What's that about?" Bob asked.
  "I prepared a brief message for each dog owner in the event we found the dogs," Jupe replied. "Like other successful firms, I think our organization should advertise and get credit for public service."

  "Hannibal avait déjà détaché un feuillet de son calepin. Il griffonna quelques mots dessus et, après l'avoir roulé, le fixa au collier du setter irlandais. [...]
  "Nom d'un pétard! s'écria Bob. J'en compte six. Ils sont tous là!"
  Au fur et à mesure que les chiens sortaient, Hannibal fixait une feuille de calepin au collier de chacun d'eux.
  "Que fais-tu? demanda Bob, intrigué.
  -J'expédie un message à leurs maîtres! expliqua Hannibal. C'est une manière comme une autre de nous faire de la publicité... [...]"

  Notez que, ci-dessus, Red Rover/Pirate dessiné par Jacques Poirier a bien un petit papier coincé dans son collier.
  Mais cet extrait fait écho à un autre figurant dans le premier chapitre.
  Vous souvenez-vous de ce à quoi Bob était occupé au tout début de ce roman? Il imprimait des cartes de visites. Cette initiative de Bob n'a pas été placée par hasard par Nick West:

  "I wonder," said Jupe, "how we can solve the mystery without being asked to by any of the pet owners."
  Bob and Pete looked at each other blankly. "What mystery?" Pete demanded. "I thought we agreed it was just a freak happening, not a mystery."
  "Perhaps," Jupiter said. "But we are investigators, and Seaside is south of there, not too far away. Apparently our fame as investigators is less than we imagined. We should do something about it."
  Bob motioned to the stack of cards he had placed in the old printing press. "That's just what I'm doing, Jupe," he said. "Printing new business cards. A fresh batch."
  "A good idea, Bob," Jupiter said. "But I was thinking of something else. We will have to be better known, so that when strange things happen, people we think immediately of The Three Investigators of Rocky Beach, California."
  Bob threw up his hands. "Well gosh, Jupe, how do you propose doing that? We can't afford to take a TV commercial or hire sky writers."
  "I know," Jupiter said. "I suggest we go immediately to Headquarters and have a meeting to discuss ways and means of getting the name of The Three Investigators known to more people."

  "Je me demande, continua le chef des Détectives, comment nous pourrions résoudre ce mysyère sans en avoir été priés par l'un des maîtres des chiens disparus."
  Bob et Peter échangèrent des regards effarés.
  "Quel mystère? s'exclama Peter. Tu viens de dire toi-même que ces disparitions n'étaient que simple coïncidence.
  -Possible, mais nous sommes des détectives! Il nous est déjà arrivé de retrouver des animaux disparus, souviens-t'en! Et toutes ces disparitions-là étaient plus ou moins liées à un mystère."
  Bob et Peter approuvèrent du chef. Ils se rappelaient en effet fort bien qu'en recherchant le chat d'Abyssinie de Mme Banfry ils avaient résolu l'énigme de la Momie qui chuchotait. De même, en s'efforçant de retrouver le perroquet de Mlle Wagonner, ils en étaient venus à élucider le mystère du Perroquet qui bégayait.
  "Seaside est au sud de Rocky, pas très loin d'ici, continua Hannibal. Je crains que notre renommée de détectives soit plus limitée que nous ne l'imaginions. Il faudrait faire quelque chose pour remédier à ça!"
  Bob s'affaira autour des cartons qu'il avait mis sous la vieille presse à imprimer.
  "Je m'en occupe justement, Babal! annonça-t-il. Notre stock de cartes de visites est presque épuisé. Il était temps de le renouveler.
  -Excellente idée, approuva Hannibal. Mais je pense à quelque chose d'autre. Il faut faire de la publicité intensive. Comme ça, quand les événements insolites se produiront, les gens penseront tout de suite à faire appel aux Trois Jeunes Détectives de Rocky, en Californie."
  Bob leva les bras au ciel.
  "Nom d'une pipe, Babal! De la publicité! Te rends-tu compte? Nous n'avons pas les moyens de passer à la télévision, ni de louer un avion pour inscrire nos noms dans le ciel.
  -Évidemment! répondit Hannibal en haussant les épaules. Venez! Nous allons tenir conseil à notre quartier général et voir ce que nous pouvons faire pour être mieux connus du grand public!"

NOTE: je peux signaler encore un ajout positif de la part de Claude Voilier. En effet, il n'est pas idiot de penser qu'après treize enquêtes, il semble essentiel de refaire un stock de cartes ("épuisé" n'est pas dans le texte de Nick West). Elle en rajoute peut-être trop quand elle substitue des "cartons" à une simple "pile de cartes" du texte original.

  Ainsi Kin Platt alias Nick West, tout en affichant un second degré, une complicité méta-textuelle avec ses lecteurs reste fidèle à ce que Robert Arthur a créé. Tout comme William Arden, il développe même lui aussi les personnages à sa façon. Il met en avant la dynamique du trio.
  Il est vrai qu'il ne s'inscrit pourtant pas clairement dans la chronologie des tomes précédents et qu'il ne fait pas de références directes aux enquêtes qu'ils contiennent. Ce qui constitue une excellente transition.

II.Traduction de Claude Voilier:

1.Un bon ajout:

  Le dernier extrait français juste au-dessus contient, vous l'avez peut-être repéré, un ajout de Claude Voilier que j'applaudis avec beaucoup d'enthousiasme. Parfois les ajouts sont inutiles, parfois ils compensent ce que le texte original ne jugeait pas utile d'expliciter. Dans ce cas-ci, Claude Voilier se permet de rappeler que de retrouver des animaux perdus n'est pas nouveau pour nos trois amis. Et c'est une excellente initiative. Elle fait ce que Nick West ne fait pas directement dans son roman: citer précisément d'anciennes enquêtes. Et vous remarquerez qu'elle pousse la précision jusqu'à donner le nom des clients (Mme Banfry et Mlle Wagonner.) 
  Une dernière remarque à signaler: elle n'était pas en charge de la traduction des volets auxquels elle fait référence. Ce qui veut dire qu'elle s'est penchée sur chacun d'eux pour utiliser les noms des clients. Cela pourrait confirmer du coup qu'elle a bien pu utiliser le mot "revenant" dans le Chapitre 9 comme un clin d’œil, s'inspirant consciemment de ceux de Nick West, au premier tome traduit en français sous le titre d'Au Rendez-vous des Revenants.
  Mais si cela reste hypothétique, cette démarche de rattacher ce qui est, on le rappelle, pour le public français, le onzième volume de la série aux précédents excuse presque Claude Voilier pour les entorses qu'elle fait au texte original.

2.Omissions:

  Car Le Dragon qui éternuait a son lot d'omissions et autres facilités. Il serait trop épuisant d'en faire une liste exhaustive. Même si certaines peuvent être justifiées, il y en a certaines avec lesquelles je ne suis vraiment pas d'accord. Le premier exemple est justement la suite directe de l'extrait au-dessus au Chapitre 1:

  "He got up immediately without waiting for an answer. Bob and Pete exchanged looks, shrugged and followed.
  "What I like about you, Jupe," Pete said, smiling, "is the democratic way you run things. I mean, the way we always take a vote before deciding on anything."

  Claude Voilier ne conserve de cet extrait que "Il se leva sans même attendre l'avis de ses camarades". Alors que c'est un détail qui non seulement rend compte de la personnalité perturbatrice et ironique de Peter et de l'aspect "tyrannique" de Jupiter/Hannibal (même si cela est sous-entendu dans la phrase française) mais trouvera ses répercussions plus loin dans le roman. La réplique de Peter est un reproche à Jupiter de ne pas établir un vote. Or, souvenez-vous des SCÈNES REPRISES n°2 et 3 respectivement situées aux Chapitres 10 et 5. La n°2 est plus spécialement importante, car Jupiter/Hannibal consulte ses deux amis, même s'il a encore le dernier mot. Encore une fois c'est là que réside toute l'ironie et le clin d’œil adressé au lecteur. Il est donc dommage d'avoir supprimé, ou du moins d'avoir sous-traduit, de ne pas avoir autant explicité que Nick West ce premier élément de cette blague à mèche longue.

  Un autre clin d’œil allusif que la traduction ne prend pas en compte se trouve au Chapitre 2:

  "[...] And I might not even have seen this one if I hadn't been out looking for my dog, Red Rover."
  The boys exchanged glances, smiling. One of their secret entrances into Headquaters was called Red Gate Rover.

  "[...] Je n'aurais pas vu le dragon si je n'étais pas sorti à la recherche de mon chien Pirate [...]."

  "Rover" signifie "Vagabond". Vagabond Rouge n'est pas un mauvais nom pour un chien. Mais plus simplement, "Rover" est un peu l'équivalent de "Rex" ou "Médor", c'est-à-dire un nom de chien très typique. Il est vrai que Vladimir Volkoff avait traduit "Red Gate Rover" en "Le Roquet de la Porte Rouge", et l'on nomme rarement son chien "Roquet" qui est plutôt un terme négatif. Même si Pirate se défend, Claude Voilier pouvait trouver une solution autre afin de garder ce clin d’œil.
  A noter que "Red Rover"/"Pirate" sera le seul des deux changements de nom dans cette aventure, avec Labron/Jeff Carter.

3.Substitutions de répliques:

  Un autre genre de remplacement, j'en ai signalé un plus haut, c'est quand une réplique n'est pas attribuée au même personnage.

-Chapitre 1:
  "Jupiter Jones?" asked a woman's voice. "Alfred Hitchcock is calling."
  "Wow!" Bob yelled. "Maybe he has another good case for us!"

  "Allô!... Hannibal Jones? demanda une voix de femme à l'autre bout du fil. M. Hitchcock désire vous parler...
  -Chic! murmura Hannibal. Peut-être va-t-il nous confier une autre enquête!"

-Chapitre 6: 
  "Maybe you're right," Bob admitted. "But who knew we were coming down them?"
  "Sure. Pete said. "It was your own idea, Jupe. If we never went down the steps, the accident could have happened to anybody in the neighbourhood [...]."

  "Noim d'un chien, Babal! s'exclama Peter. Qui donc pouvait savoir que nous viendrions nous balader par ici? Si nous n'avions pas utilisé cet escalier, l'accident aurait pu arriver à n'importe qui d'autre."

  "All I see is a lot of seaweed piled up," Bob said.
  "Me, too," Pete said. "Plus some seashells and a lot of driftwood."
  Bob shook his head finally. "No sign of any kind of tracks, Jupe. Could the tide have washed them away?"

  Puis plus loin:

  "Je ne vois rien que des tas d'algues, annonça Bob au bout d'un moment.
  -Et moi de même, dit Peter. Des algues et aussi quelques coquillages et de menues épaves. A mon avis, s'il y a jamais eu des empreintes, la marée a tout effacé."

4.Changements de discours:

  On passe aussi bizarrement d'un discours direct à inditrect.

-Chapitre 8:

  "They tugged and pushed at the planks.
  "It's no use," Bob said. "They're wedged in too tightly."

  "Mais c'est en vain que les trois garçons poussèrent les planchent et tentèrent de les tirer à eux. Ils n'avaient aucun prise car elles joignaient trop bien."

-Chapitre 16:

  "He didn't even warn us about taking good care of it," Jupe said."

  "Il ne recommanda pas aux Détectives de prendre bien soin du tout."

  Ou l'inverse:

-Chapitre 17:

  "We were both right. The dragon's a fake, all right. And you've found the underground rapid transport railway that Labron Carter built more than fifty years ago. But you were wrong about one thing, Bob. You said it had never been used!"
  "What do you mean?"
  "The dragon's been using it," Jupe replied.
  "But why? I don't get it," Bob answered, puzzled.
  Who would build a dragon to lie in an underground railway tunnel that hadn't been used for fifty years? A railway that wasn't going anywhere. One that would probably never be used again. It didn't make sense.
  Why? Bob wondered.
  "We're going to find out now."

  "Tu vois que j'avais raison. Le dragon est faux. Et nous avons découvert le réseau ferrovière souterrain construit par Jeff Carter voilà plus de cinquante ans... un réseau que le dragon est seul à utiliser aujourd'hui.
  -Babal... je n'arrive pas à comprendre! avoua Bob, intrigué. Qui se soucierait de fabriquer un faux dragon pour le promener sur des rails posés il y a un demi-siècle? Et des rails qui ne mènent nulle part par-dessus le marché! Cela n'a ni queue ni tête! Alors... pourquoi?
  -C'est ce que nous allons tâcher de savoir, décida Hannibal [...]."

5.Oralité:

  C'est devenu une habitude, presque une tradition, de citer les passages où les frères Bavarois, Hans et Konrad font leurs apparitions. Il y a toujours quelque chose à dire sur leurs répliques et leur traduction.
  Dans ce volet, c'est Hans qui contribue brièvement à l'aventure en emmenant le trio de détectives à Seaside pour la première fois.

  "They had reached the outskirts of Seaside, and Hans slowed the truck as he searched for the street number Jupiter had given him. They travelled slowly another mile and then Hans stopped. "I think this is your party, Jupe," he said.
  [...] The boys piled out. "This preliminary investigation should take approximatively two hours, Hans," Jupe said. "Can you make your collection and delivery and come back for us then?"
  "Sure thing, Jupe," the husky Bavarian said. He waved and swung his truck round to head down a steep road that led to the centre of the town."
Jacques Poirier, 1973.
  "Déjà, on arrivait à Seaside. Hans ralentit pour repérer la rue dont Hannibal lui avait donné le nom. Puis il fit halte.
  "Je vais vous laisser ici, Hannibal!" dit Hans.
  [...] Les garçons descendirent.
  "Notre enquête préliminaire nous prendra environ deux heures, Hans, déclara Hannibal.
  -Parfait! A ce moment-là, je reviendrai vous chercher! Comptez sur moi!"
  Là-dessus, Hans fit demi-tour et s'engagea dans la rue conduisant vers le centre de la ville."

  L'accent à couper au couteau du Bavarois n'est pas évident pour une fois dans le texte original. Toutefois la version française dit autre chose pour la première réplique et substitue pour la seconde une partie du discours de Jupiter. "Comptez sur moi!" a été choisi comme équivalent pour "Sure thing".

6.Contresens:

  Les différences vues plus haut sont bien inoffensives, mais on trouve également des contresens flagrants et malvenus.

-Chapitre 4:

  "Duck!" Pete yelled.
  The boys flung themselves to the floor." 

  "Nom d'un pétard!", s'exclama Peter, sidéré. L'instant d'après, les trois garçons se jetaient à plat ventre sur le sol."

  J'aurais traduit "duck" par "couchez-vous!" ou "à terre". Ce n'est pas un juron, mais un impératif de la part de Peter.

-Chapitre 10:

  "[...] The once elegant hotels have been boarded up or bulldozed [...]."

  "[...] Les élégants hôtels particuliers élaborés sur le papier ne furent jamais construits."

  "Boarded up" signifie "barricadé" ou "muré" et bien évidemment "bulldozed" contient l'idée d'une destruction. Les hôtels ont bien été construits.

-Chapitre 18:

  "As if we didn't have enough to do with all that drilling."

  "Comme si nous n'avions pas assez de nos séances d'entraînement!"

  Dans le roman les frères Morgan sont payés par Mr Shelby pour percer un mur menant à une banque. De quel "entraînement" s'agirait-il au juste? D'ailleurs Claude Voilier traduit bien "drilling" un peu plus loin dans le chapitre ("The kind you used our way into the vault"/"Il me fallait des gars costauds pour percer ce mur".)

7.Différences:

  Comme chaque volet, celui-ci a aussi son lot de différences complètement arbitraires et parfois incompréhensibles:

-Chapitre 2:

  "[...] I should be back in Rocky Beach surfing on my board instead of coming along with you to catch a dragon."

  "[...] Revenir bien vite à Rocky pour y essayer ma nouvelle paire de patins à roulettes au lieu de partir avec toi à la chasse au dragon!"

  "[...] The bookcases were crowded, too, with strange artifacts, Pre-Columbian figurines and small, grotesque African figures [...]"

  "[...] Des bibliothèques avaient peine à contenir les livres entassés dedans, pêle-mêle avec des statues précol:ombiennes et de curieuses sculptures orientales." 

  Dans le paragraphe extrait du Chapitre 1 ci-dessous, on peut s'amuser au jeu des différences:

  "[...] The pet owners are puzzled over the disappearance of their animals... Now, for news overseas, we take you to-"
  "Turn it off, Pete," Jupiter said."
  Pete switched the dial off. "How about that?" he said. "Five missing dogs. Evidently there's a mad dognapper on the loose."
  "I think we've got got the master criminal Jupe was talking about," Bob said, grinning. "He's going to steal all the dogs he can and corner the market. Then, when people are willing to meet his price, he'll unload and make a fortune."
  Jupiter sat pinching his lower lip, a sign that his mental machinery was moving into high gear. "Odd," he said finally.
  "What's odd?" Bob asked. "You mean the number of dogs stolen? Five is a good odd number, all right."
  Jupiter shook his head, frowning. "No, I was referring to the dogs reported missing within the week. Usually when pets disappear, it happens at irregular intervals, rather than within the short span of one week."
  "Well, it must be like I said," Bob answered. "There's this master criminal loose with this mad plan of getting control of the doggier market. Maybe he intends knocking down the price of hamburger meat, in addition to selling the stolen dogs at a handsome profit."
  Jupiter smiled thinly."

Jacques Poirier, 1973.
  "[...] Leurs propriétaires sont très intrigués... En ce qui concerne la tornade qui a dévasté la région de...
  -Eteins, Peter! ordonna Hannibal.
  -Vous avez entendu? s'écria Peter en obéissant. Cinq chiens portés disparus! C'est certainement l'oeuvre d'un maniaque.
  -Voilà l'un de ces malfaiteurs dont Babal parlait tout à l'heure, suggéra Bob en souriant. Il va kidnapper tous les cabots du coin et, une fois le marché à court, il les revendra à prix d'or. Un moyen épatant pour faire fortune!"
  Hannibal restait muet, se contentant de se pincer la lèvre inférieure ce qui, chez lui, était un signe d'intense réflexion.
  "Curieux! finit-il par murmurer. Cinq chiens disparus en une seule semaine! En général, quand des chiens ou des chats disparaissent, c'est à intervalles irréguliers.
  -Quand je te le disais! s'écria Bob. Il s'agit certainement d'un individu qui veut se rendre maître du marché des chiens. Peut-être a-t-il aussi l'intention d'en faire de la chair à saucisse!"
  Hannibal eut un faible sourire."

  Il y a un jeu de mots, qui à la décharge de la traductrice, est difficilement traduisible (dans le texte original, "odd" signifie autant "curieux" dans le sens bizarre que "nombre impair". Bob se montre plus blagueur qu'à son habitude et ce n'est pas pleinement retranscrit. Son argumentation faussement économique teintée d'humour noir est tronquée.

  Dans l'extrait qui suit (Chapitre 7), Nick West n'accorde qu'à Peter l'honneur d'aider Bob avant que Jupiter ne suggère un effort commun. Le texte français donne à Hannibal la chance de tirer Bob de son trou:
  
  "They heard Bob breathing heavily.
  "Okay," he panted. "Here I am. Now what?"
  Pete leaned over. "Grab my hand, Bob."
  Bob's hand shot up quickly. For a brief moment, their grips held together. The Bob's hand slipped away. He moved frantically to grab the wet plank again.
  "He's harder to hold than a greased pig. Jupe," Pete complained. "You want to try it?"
  Jupiter shook his head. I doubt that I'd do it any better than you. We'll have to grab him together."
Jacques Poirier, 1973.

  "On entendait bon [sic] respirer bruyamment.
  "J'y suis presque! annonça-t-il... Me voici! Que dois-je faire à présent!
  -Attrape ma main!"
  La main de Bob se referma sur celle d'Hannibal. Une brève seconde, les deux garçons restèrent ainsi sans bouger. Puis les doigts de Bob glissèrent. Le jeune Détective n'eut pas le temps de se rattraper à sa planche. A son tour, Peter l'empoigna... mais Bob lui échappa comme il avait échappé à Hannibal.
  "Oh, là, là! se désola Peter. Il est plus gluant qu'une anguille. Il n'y a pas moyen de le tenir!
  -Essayons de l'attraper à nous deux, Peter!" conseilla Hannibal.

  Une dernière de ces différences peut être remarquée au début du Chapitre 20:

  "When Pete, Bob and Jupiter entered Alfred Hitchcock's office two days later, the famous director was seated at his desk, reading a newspaper. He motioned them to his big, comfortable chairs.
  "Sit down, boys," he said. "I'll be with you as soon as I finish this interesting article in the papers."
  They sat and waited patiently. Finally, the director folded the paper and put it aside on his desk."
Jacques Poirier, 1973.
  "Lorsque, deux jours plus tard, les Trois Détectives entrèrent dans le bureau d'Alfred Hitchcock, celui-ci abandonna son journal pour les accueillir cordialement."

  Alfred Hitchcock fait attendre le trio en finissant un article. Selon Claude Voilier, il "abandonne" son journal immédiatement pour les accueillir.

8.Titre français:

  Aussi traditionnelle que la visite de nos trois amis au bureau du célèbre réalisateur, il est temps d'analyser le titre français. Même si l'on n'a pas un vocabulaire anglais très étendu, on peut déjà voir la différence entre "To coughing"/"Tousser" et "To sneeze"/"Éternuer". Même si les deux peuvent être associé lors d'un rhume, on est bien d'accord que ce n'est pas la même action.
  Dans le Chapitre 2, lorsque les jeunes détectives rencontrent Mr. Allen, celui-ci leur fait part de son expérience auditive au moment où il est tombé nez à nez avec le dragon:

  "But what I heard last night wasn't anything like that at all. It was a high-pitched rasping sound - almost as if it were breathing with difficulty - or coughing."

  "Mais ce que j'ai entendu moi-même ne ressemblait en rien à ces bruits-là. Imaginez une respiration haletante suivi de toux et d'éternuements. Oui, c'était comme... comme si le dragon éternuait."

  Vous pouvez constater qu'elle place déjà les "éternuements" pour justifier le titre français, alors que Nick West parle plutôt d'une "respiration difficile" ("breathing with difficulty") ou de "toussotements" ("coughing").

  Alors que l'on approche du dénouement, au Chapitre 18, la traductrice persiste à substituer "cough" et ses variantes par "éternuer":

  "A man was speaking, his voice hoarse and rasping, his words interrupted by spasms of coughing.[...]
  Bob nudged Jupe. "You were right. It's Arthur Shelby. I recognize his voice and his cough."
  "That's the second mystery solved," Jupe whispered. "The mystery of the coughing dragon. Only one remains."

  "L'homme s'interrompit pour éternuer. Bob donna un coup de coude à son camarade:
  "Tu avais raison. C'est Arthur Shelby. Je reconnaît sa voix... et sa façon d'éternuer.
  -Voilà donc l'un des mystères résolu, chuchota Hannibal en retour [...]."

  Jupiter prononce en passant le titre original mot à mot, mise en abyme qui n'est pas reproduite dans la version française.
  A la fin du Chapitre 15, après leur rencontre avec le dragon, Jupiter/Hannibal avait déjà des soupçons sur l'instigateur derrière tout le mystère (Claude Voilier, entre autres, supprime la réplique de Peter qui manifeste une fois de plus sa perplexité face aux paroles de Jupiter):

  "I remember something else," Bob said. "We talked about it before. Mr Allen's film dragon roared. Ours seemed to cough a lot."
  "Exactly!" Jupiter smiled. "That's what I meant about the human agency behind it. Or rather, I should have said, the human agency behind it."
  "What are you talking about now?" Pete asked groaning.
  Jupiter smiled. "The man inside our dragon had a cold."

  "Je me rappelle aussi que notre dragon toussait au moins autant qu'il rugissait, enchaîna Bob.
  "Exact! dit Hannibal en souriant. Et c'est ce qui me pousse à croire qu'un homme se trouvait à l'intérieur du dragon... un homme avec un bon rhume de poitrine."

  Sauf qu'on apprend que c'était juste une association d'idée. Le Chapitre 20, qui joue le rôle d'épilogue, contient l'explication finale amorcée par une question d'Alfred Hitchcock:

  "And your clue to Shelby's part in it was his cold?"
  Jupe smiled weakly. "He had a bad cough when we met him. So I associated him with the coughing of the dragon. Later I found out it coughed when it stalled. That was partly due to wet wiring, from the many experiments in the sea."

  "Et c'est le rhume de Shelby qui vous a mis sur la voie?"
  Hannibal sourit.
  "Lorsque nous l'avons rencontré la première fois, il éternuait beaucoup. C'est pour quoi je l'ai associé avec le dragon dans ma pensée. En réalité, c'est le moteur du dragon qui crachotait juste avant l'arrêt."

  "Il éternuait beaucoup" se substitue à "he had a bad cough". Revenons au Chapitre 4 et 5, c'est-à-dire la rencontre avec Mr Shelby, afin de citer les passages et de vérifier si Mr Shelby éternue ou pas:

  "Then he doubled over, laughing. His laughter became riddled by a spasm of coughing."

  "Et là-dessus, se pliant en deux, il se mit à rire de tout son coeur. Il riait si fort qu'il faillit s'étouffer et se mit à tousser." (Chapitre 4)

  "Loud laughter came from inside the house. It was folowed by strangling, coughing sounds."

  "Au même instant, un éclat de rire jaillit de l'intérieur de la maison, suivi d'une quinte de toux: une fois de plus, M. Shelby s'étranglait à force de rire." (Chapitre 5)

  Ces deux seuls passages rendent comptent de la manifestation du rhume du personnage. A aucun moment Nick West utilise le mot "sneeze" en parlant de Shelby. Même Claude Voilier n'a pas eu la présence d'esprit d'ajouter un ou deux éternuement pour justifier l'affirmation qu'elle place dans la bouche d'Hannibal dans l'épilogue! 
  D'autre part pour en revenir à ce qu'à entendu Mr. Allen, même en cas d'éternuement de Mr. Shelby, ça ne tient pas debout puisqu'il a entendu les crachotements du dragon mécanique, avarie causée par les expériences sous-marines répétées ("the many experiments in the sea") dont la mention à été occultée par la traductrice. On avait d'ailleurs un premier indice de ce détail dans le chapitre 11 (dont la scène principale, le trio poursuivi par le dragon, est isolée dans "Le Danger sur les talons."), où le texte disait "and then it coughed and stopped", traduit en "Il siffla. Puis ce sifflement fut suivi d'une espèce de long soupir" qui est discutable encore une fois.
  Le Dragon qui éternuait est donc bien bancal, si l'on se penche sur sa justification interne. Il semble dès le départ superflu de ne pas traduire normalement par "Le Dragon qui toussait", phénomène qui parait déjà suffisamment étrange donc accrocheur.

III.Couvertures:

1.Versions françaises:
Yves Beaujard, 1994.
Jacques Poirier, 1973.

  















  Je me suis servi d'un exemplaire de la version 1994 pour rédiger cet article. Il faut absolument que je signale aux personnes qui souhaiteraient lire ce roman d'éviter de s'en procurer un exemplaire.
  La raison en est qu'il y a un très gênant défaut de fabrication. Le Chapitre 3 se termine dans le jardin de Mr. Shelby et le Chapitre 4 voit le trio, sans transition dans le hall d'entrée, être surpris  par le faux rapace qui fond sur eux. 
  En fait cette édition, et ce sans qu'il s'agisse d'une page manquante (la pagination est correcte), est techniquement tronquée de plus d'une page de l'histoire. Même si ce défaut ne concerne peut-être pas tous les exemplaires jamais imprimés (comment savoir, hein?), il est fortement conseillé à ceux et celles que ça intéresse de trouver la première version de 1973 ou une version intermédiaire, si elle existe. Si vous n'avez pas envie de chercher le livre, forcément d'occasion, car plus édité, vous pouvez toujours lire le roman sur Scribd ou le passage tel que je l'ai isolé ici. Il y a beaucoup de fautes de frappe, mais pour compenser toutes les illustrations internes de Jacques Poirier sont incluses.

2.Editions anglo-saxonne (non-exhaustif):

Harry Kane, 1970 (Edition britannique, Collins, 1971)
Gonzales Vicente, 1985 (Armada, GB)
Peter Archer, 1974 (Armada, GB).

Robert Adragna, 1981 (US)
3.Tour du monde (non-exhaustif):
Aiga Rasch, 1981 (Edition allemande)
Peter Madsenn, 2000 (Edition danoise)



















Badia Camps (Édition espagnole)
Matti Louhi, 1981 (Édition finnoise)




















Cesare Colombi (Édition italienne)
Sten Nilsen (Édition norvégienne)



















Édition polonaise.
Édition russe.




















Édition portugaise.
V.Kardelis/S.Mydlo, 1994 (Éd. slovaque)



















Ola Ericson, 1973 (Édition suédoise)
Édition vietnamienne.

















  C'est avec beaucoup de satisfaction que je conclus ce quatorzième article principal. J'aurais aimé aborder le thème de cinéma très présent dans ce volet, mais vu la longueur, peut-être que je vais devoir rédiger un article annexe. 
  Le prochain tome, The mystery of the Flaming Footprints/L'Aigle qui n'avait plus qu'une tête est désormais en attente de rédaction. Je l'ai déjà lu et pris toutes les notes nécessaires. Je peux déjà vous annoncer que l'on découvre un quatrième auteur, une nouvelle auteure pour être plus précis. Et dans ce qu'elle apporte à la série, il y a du positif et un point que j'ai détesté... mais je n'en dis pas plus!
  Sur un plan plus technique, depuis la publication de l'article sur The Secret of the Crooked Cat/Le Chat qui clignait de l'oeil, j'ai découvert deux sites (rocky-beach.com, un site allemand très complet et seriesbookart.co.uk, un site britannique) me permettant d'une part d'utiliser de couvertures d'autres pays que ceux que j'avais l'habitude de présenter (ci-dessus, vous avez pu voir une couverture portugaise, une norvégienne et une vietnamienne... j'ignorais jusqu'à maintenant que la série avait été adapté dans ces pays. D'autres ne sont pas exploitables pour mon article, car trop petites ou de mauvaise qualité) et d'autre part de mettre à jour certaines informations (noms d'illustrateurs et dates de parution). Mon projet s'enrichit de tomes en tomes!
  Je rappelle que j'ai créé une page Facebook sur laquelle je vous invite à commenter, suggérer, partager et tutti quanti. J'en serais très heureux. Vous pouvez également visiter ma page Pinterest où vous pourrez admirer toutes les couvertures, illustrations et d'autres choses. 
  Merci encore à tous, surtout à ceux qui lisent tout ce que j'écris sur cette série.
The Mystery of the Coughing Dragon/Le Dragon qui éternuait, Nick West. Traduit de l'américain par Claude Voilier.

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