"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

jeudi 1 septembre 2016

[...] Toute la journée à déambuler sans but, lui donnait l'impression de ne tenir qu'un petit rôle dans sa propre existence.
  Le Burleigh n'arrangea rien, fermé et sombre, un entrepôt pour le sommeil. Il dut appeler le gardien de nuit pour entrer. De toute évidence, le vieux connaissait le scénario de la journée de Harkness. Il n'allait pas changer la fin.
  Lorsque Harkness sonna, la petite silhouette sortit de la pénombre derrière la porte vitrée avec une infinie patience, comme un génie qui se matérialise atome par atome en sortant d'une bouteille. Vous saviez qu'il se rapprochait parce qu'il ne s'éloignait pas. Une fois arrivé là, il mit ses mains en visière sur la vitre, se ménageant un coin d'ombre pour regarder à travers. Il lui fallut un jour ou deux pour ajuster sa vision. Ça n'était pas un rapide, se dit Harkness, du genre à rater une guerre mondiale en détournant le regard.
  Tandis que le vieil homme était en train de se mettre en place, Harkness eut fortement envie d'arborer la tête de Frankenstein, de tendre les bras et de monter et descendre le porche, la jambe raide. Il se contenta de ne pas ressembler à une lettre piégée.
  Puis ce fut le rituel des clefs. Il tâtonna en braille pour s'y retrouver, fit son choix et laissa tomber le tout. Il repris tout le processus à zéro, et cela lui prenait tellement de temps que Harkness se mit à espérer qu'il ne s'arrête pas au milieu pour la pause-thé. Une fois à l'intérieur, Harkness tapota sur la manche de son pardessus marron.
  -Merci, dit-il avec soulagement.

Laidlaw, William McIlvanney, Rivages/Noir. Traduit de l'anglais (Écosse) par Jan Dusay.

Aucun commentaire: