"Rana Toad", ça se mange?

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samedi 27 août 2016

The Three Investigators 12.The Mystery of the Laughing Shadow (1969)/Les Trois Jeunes Détectives 25.L'Ombre qui éclairait tout (1983)

1.The Secret of Terror Castle/1.Au Rendez-vous des revenants.
 
  Avant d'entrer dans le vif du sujet je dois quelques explications à ceux d'entre vous qui me suivent peu ou prou, s'il y en a réellement. J'ai eu récemment la surprise de découvrir deux commentaires d'une même personne, donc je peux penser que oui  (Merci encore Naé!). Cet article est en attente depuis le mois de mars. Je ne pourrai pas avec certitude vous dire pourquoi j'ai mis tant de temps à le finaliser (je n'ai pas fait grand-chose non plus quant aux articles annexes, thématiques ou scènes extraites). Des événements professionnels et personnels en sont probablement pour beaucoup. Mais j'avais peut-être besoin aussi de me détacher de ce projet à long terme (je vous rappelle que je me suis donné entre trois et cinq ans pour le réaliser). J'ai eu un peu de mal à savoir comment le tourner, comment saisir les angles d'approche sans faire la même chose à chaque fois. A un moment, il était avancé d'environ 90% et j'ai repoussé les 10% pendant au moins deux mois. Enfin bref, vous avez le produit fini sous les yeux. Juste pour insister, au passage, sur le fait que j'ai jamais eu l'intention d'abandonner. Je peux attaquer maintenant.

  Avec The Mystery of the Laughing Shadow on entre définitivement dans la période post-Robert Arthur. Cependant, nous en connaissons déjà l'auteur puisqu'il a signé le dixième tome de la série, The Mystery of the Moaning Cave. Il s'agit bien sûr de William Arden/Dennis Lynds. J'ai déjà évoqué la question de savoir si celui-ci suivait un cadre imposé par des notes d'Arthur pour les aventures qu'il n'a pas pu écrire ou si ses histoires étaient originales (tout en gardant bien sûr certaines constantes obligatoires). Malheureusement, je n'ai aucun indice me permettant de répondre à cette question.

I.Continuité et Chronologie.

1.Continuité.

  On a vu cependant que dans The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du Diable, Arden avait repris suffisamment d'éléments de continuité pour satisfaire les lecteurs les plus assidus. Dans ce douzième épisode, j'ai pu relever des éléments confirmant que ce deuxième auteur officiel de la série s'attache à rester fidèle à ce qui a été instauré par Robert Arthur.
  Ainsi, il réutilise le Ghost-to-Ghost Hook-up, les craies de couleur et fait même revenir un personnage que l'on n'a pas croisé depuis le troisième épisode, à savoir, l'ennemi juré de nos trois amis, Skinny Norris. Mais comme à l'accoutumée, je réserve la mention de chacun de ces éléments à leur série d'articles respective.
  Je peux par contre m'arrêter ici sur le début du chapitre 3, qui ne se contente pas seulement de rappeler le pourquoi de la présence de Worthington/Warrington:

  "The boys had learned that it was never easy to get into the studio to see the famous director, so they always used the Rolls-Royce when they went to call on Mr Hitchcock. The car was now at their permanent disposal, thanks to the financial aid of a grateful client who might not have received his rightful inheritance without the help of the Investigators. Because of their impressive car, they were passed quickly through the gates of World Studios."
Paul et Gaétan Brizzi, 1983.
  "Sachant par expérience qu'il n'était pas aisé de voir le fameux producteur à son bureau de Holywood, les Détectives ne lui rendaient jamais visite qu'en Rolls. Et ils bénissaient in peto le fait d'avoir la somptueuse voiture à leur disposition. En fait le premier prix gagné par Hannibal ne leur en avait octroyé l'usage que pendant un mois. Mais un de leurs clients, qu'ils avaient aidé à récupéré un gros héritage, les avait généreusement récompensés: grâce à lui, les Détectives pouvaient user de la Rolls quand bon leur semblait. Sagement, ils n'abusaient pas de ce privilège. En l'occurrence, cependant, leur "carrosse" doré leur servirait de Sésame pour ouvrir la porte des studios hollywoodiens."

  En plus de rappeler la relation particulière entre les jeunes garçons et l'homme de cinéma, Arden fait une allusion directe avec l'heureux rebondissement de l'épilogue du septième épisode, The Mystery of the Fiery Eye/Treize Bustes pour Auguste. L'avenir des Trois Jeunes y étaient en péril puisque l'utilisation de la Rolls atteignait son échéance (ce que Claude Voilier tient même habilement à ajouter). Le client en question était leur ami britannique August August qui avait conclut un "certain financial arrangement" (la traduction, déjà de Claude Voilier omettait le terme "financial") afin qu'ils puissent utiliser la voiture de luxe et son chauffeur à volonté.

  D'autre part, Arden n'oublie pas d'entretenir le caractère d'un des personnages principaux. On a eu de très nombreuses fois l'occasion de le constater, Peter malgré son physique d'athlète a le paradoxal défaut de parfois cacher son manque de courage sous une couche de mauvaise volonté. Je peux citer un premier extrait issu de la fin du chapitre 7:

  "Don't tell me what I'm going to do!" Pete exclaimed.
  "You," Jupiter said with determination, "are going to go back out to Sandow Estate with me. Something is going on out there, and I want to know what it is."
  "But, Jupe, what can we learn out there?" Pete wanted to know.
  "For one thing," the First Investigator said, "we can try to find that laughing shadow again."
  Pete wailed, "Do we have to?"
  "Be back here as soon as you can," Jupiter said firmly, ignoring Pete's wail. "And dress in dark clothes."

  "Pas de corvée pour moi, je t'en supplie! s'écria Peter en feignant l'effroi.
  -Justement si! répliqua le chef des Détectives d'un air déterminé. Tu me suivras jusqu'au domaine Sandow. Il se passe là-bas des événements bizarres et je veux les découvrir.
  -Mais, Babal, que veux-tu que nous dénichions là-bas? demanda Peter.
  -Avant tout, je veux retrouver cette ombre qui rit!
  -Est-ce vraiment nécessaire?"
  Hannibal ignora délibérément le ton gémissant de son lieutenant. Il se contenta d'ordonner d'un ton sans réplique:
  "Sois de retour ici le plus tôt possible. Et passe des vêtements noirs."
  Comprenant qu'il était inutile de discuter davantage, Peter se résigna."

  On remarque au passage que Claude Voilier explicite un peu plus que le texte original avec "en feignant l'effroi" et surtout cette dernière phrase qui est un ajout flagrant.
  Ce trait de caractère de Peter est comme je l'ai dit très récurrent. Cependant il en est un autre que William Arden semble inventer dans un premier temps au Chapitre 13:

  "[...] Peter grew impatient and began to play with the small stones that lay in the alley."
  "[...] Peter sentait croître son impatience. A la fin, il se mit à jouer avec les petits cailloux de la ruelle."

  Ce qui semble être un geste machinal occasionnel de la part de Peter devient une manie selon les propos de Jupiter/Hannibal dans le chapitre suivant alors qu'il cherche ses camarades aidé du Chef Reynolds:

  "[...] Look, on the ground there!"
  Where Petehad crouched, waiting, there was a small pile of stones in the shape of a crude cone.
  "Pete always piles stones like that," Jupiter said. "It's a reflex."

  "[...] Et puis, tenez! Voici une autre preuve!" et il indiqua un petit tas de pierres en forme de cône.
  "Peter entasse toujours les cailloux comme ça, expliqua Hannibal. c'est une manie chez lui."

  Je n'ai pas souvenir d'avoir lu un passage des onze premiers épisodes faisant mention de cette manie. Mais après tout, ne joue-t-elle pas du coup son petit rôle dans l'histoire qui nous intéresse ici? Elle a sa légitimité même si elle ponctuelle.
  On trouve un autre trait de caractère du même genre, cette fois-ci concernant Jupiter/Hannibal. Il est rappelé à quel point le personnage est intelligent, cultivé. Au Chapitre 2, William Arden surprend cependant avec un détail que je pense voir mentionné pour la première fois:

  "[...] Bob and Pete both knew that Jupiter had some knowledge of several major languages and spoke three."
  "[...] Bob et Peter savaient qu'Hannibal possédait quelques rudiments de plusieurs langues essentielles et qu'il en parlait trois couramment."

  Comme on le voit plus tard, dans le Chapitre 19 pour être précis, cette compétence du détective en chef sera confirmée:

  "Chief Reynolds sighed. "You'd better start at the beginning and explain just what this is all about."
  "Just a minute, Chief," Jupiter interrupted. "I bet they speak Spanish... Do you?" he asked, turning towards Natches.
  The Indian nodded eagerly.
  "Then tell us in Spanish," Jupiter said. "Both Chief Reynolds and I can understand it."

  "Le chef Reynolds soupira.
  "Voyons! Commencez par le commencement et essyez de nous expliquer les choses en détail...
  -Un instant, chef, coupa Hannibal. Je parie qu'il parle espagnol... N'est-ce pas?" ajouta-t-il en s'adressant à Natches.
  L'Indien parut heureusement surpris et s'empressa d'acquiescer.
  "Dans ce cas, dit Hannibal, exprimez-vous en espagnol. Le chef de la police et moi-même, nous comprenons cette langue."

  Cependant, si on remonte jusqu'au deuxième épisode, à savoir The Mystery of the Stuttering Parrot/Le Perroquet qui bégayait ce n'est malheureusement pas cohérent. Lisez plutôt ces deux extraits du Chapitre 7:

  "[...] Carlos had soothed his uncle so that the man could speak without coughing. He lay back in bed and tried to answer the questions that Jupiter asked. But it was easier for him to answer in Spanish, so that finally Carlos took up the story for him, while his uncle lay and rested, sometimes nodding his head and saying, "Si, si!"

  "[...] Carlos avait réussi à calmer son oncle. Ramos ne toussait plus et accepta de répondre aux questions qu'Hannibal voulait lui poser. Seulement, comme il ne parlait guère anglais, ce fut surtout Carlos qui répondit; Ramos se contentait de hocher la tête de temps en temps en disant "Si, si". 

  "Carlos," Jupiter asked, "can you show us the part of town where your uncle sold the parrots?"
  The boy shot of rapid words in Spanish to his uncle, who nodded. Sitting on the side of the bed, Carlos then drew lines with a pencil round a section on the map his uncle pointed out.
  "Here, Señor Jupiter," he said. "Some place inside these lines. But what streets, I am sorry my uncle cannot say."

  "Carlos, demanda Hannibal, peux-tu nous montrer le quartier où ton oncle a vendu les perroquets?"
  Après avoir échangé quelques mots en espagnol avec son oncle, Carlos traça un carré sur le plan.
  "Quelque part ici, señor Hannibal, dit-il. Mais dans quelles avenidas, ça je ne sais pas au juste."

  Je rappelle tout d'abord que la traduction des deux extraits ci-dessus est signée Vladimir Volkoff (il est toujours drôle de signaler que c'est lui qui substitue le mot "streets" par "avenidas").
  Mais pour en revenir à la familiarité de Jupiter/Hannibal à l'espagnol, Robert Arthur ne l'a pas rendu si évidente que le fait William Arden dans le douzième tome. On peut défendre ce dernier en utilisant des arguments contextuels (l'oncle est malade, Peter ne comprend pas l'espagnol, il faut donc que de toute façon Carlos traduise etc.), mais, à mes yeux, Robert Arthur aurait du signaler explicitement cette faculté de son personnage pour que l'affirmation de William Arden soit validée totalement. A moins que Jupiter/Hannibal se soit mis à apprendre l'espagnol rapidement, c'est-à-dire deux mois, si l'on en suit la chronologie approximative tout au long des tomes.

2.Chronologie:

  Je ne dis pas ça au hasard, souvenez-vous que j'établis au fil de mon projet, et donc des romans, une chronologie, qui reste hélas un peu faussée par Arthur lui-même. Cependant, j'ai pu discerner que le tout premier tome est censé grosso modo se dérouler fin juin-début juillet et que le onzième tome, The Mystery of the Talking Skull/Le Crâne qui crânait mentionnait la "fin de l'été" comme repère temporel. The Mystery of the Laughing Shadow/L'Ombre qui éclairait tout affirme au tout premier paragraphe:

  "Darkness comes suddenly in the mountains of southern California in the winter."
  "La nuit tombe vite, en hiver, dans les montagnes de la Californie du Sud."

  On trouve même pratiquement la même information dans le Chapitre 16:

  "Darkness came early and fast in the mountains in winter."
  "En hiver, dans la montagne, la nuit est vite là."

  Passer de la fin de l'été directement à l'hiver, pourquoi pas si William Arden ne voulait pas dès le début suivre la chronologie de Robert Arthur. Après tout, il n'avait pas vraiment donné de repère temporel quand il avait remplacé Arthur de son vivant pour écrire The Mystery of the Moaning Cave/Le trombone du diable. Cependant, je me sens obligé d'anticiper un peu, le tout début du 13ème épisode, The Secret of the Crooked Cat/Le Chat qui clignait de l'oeil, également écrit par William Arden, il est très important de le préciser, parle de "early September"/"début de septembre". Ce qui colle parfaitement avec ce que nous disait le onzième tome. Parler donc d'hiver dans le douzième tome n'est pas très cohérent.

  William Arden commet donc deux petites maladresses, une concernant Jupiter/Hannibal, l'autre la continuité temporelle. Mais cet article n'est pas une charge contre lui et j'aime même de quoi l'apprécier et le féliciter pour un élément d'intrigue qui je crois n'avais pas encore été imaginé dans les tomes précédents.

II.Nouveaux éléments.

1.La méfiance envers Ted Sandow:

  Comme je l'ai souvent répété, une des récurrences les plus frappantes est la rencontre dans pratiquement toutes les enquêtes d'un  jeune client, plus ou moins du même âge que nos trois héros. Comme ils ne pour la plupart pas américain, une méfiance xénophobe est parfois manifestée envers eux par d'autres personnages (le Grec Chris dans  The Secret of Skeleton Island/Le Spectre aux chevaux de bois en est le parfait exemple), mais de tels préjugés ne font pas partie de la personnalité du trio protagoniste. A chaque fois leur relation avec ce genre de personnage tourne toujours en une sympathique amitié.
  Ici, c'est Ted Sandow qui joue ce rôle. Nous faisons sa connaissance au Chapitre 6. Il est britannique et nous est décrit comme "A tall slender boy only a few years older than the three friends"/"Un garçon grand et mince, de quelques années plus âgé que les Trois Détectives". La vraie nouveauté créée par William Arden sera un véritable sentiment de méfiance de la part de Jupiter/Hannibal, Peter et Bob envers Ted. Non à cause de ses origines, mais de quelques circonstances, de l'attitude suspecte de Ted et ce dès leur rencontre. A la fin du chapitre 5, la tante Mathilda prévient son neveu de la visite d'un certain M. Sandow:

  "The boys gaped at each other. A Mr Sandow had come to them! Just when they were working out a scheme to get into the Sandow Estate. But - who could this Mr Sandow be?
  "Miss Sandow lives alone!" Bob remembered.

  "Les Détectives se regardèrent. Un M. Sandow se présentait à eux juste au momet où ils tiraient des plans pour avoir droit d'accès au domaine Sandow! Mais... qui pouvait être ce M. Sandow?
  "Mlle Sandow vit seule! rappela Bob."

  C'est donc tout naturel d'émettre quelques réserves face à ce nouvel arrivant:

  "Concealing their intense curiosity at the coincidence of Ted Sandow's appearance in the salvage yard, the boys all shook hands with him, and Jupiter assumed his most innocent manner."

  "Cachant leur intense curiosité, Hannibal, Bob et Peter serrèrent à tour de rôle la main tendue. Le visage d'Hannibal était empreint de son expression la plus innocente [...]"

  Il faut préciser que Ted débarque alors que les détectives se sont réunis pour discuter de l'énigmatique amulette que Peter et Bob ont trouvée la veille à proximité de la propriété de sa tante Sarah Sandow.

  La méfiance, surtout du côté de Jupiter/Hannibal, monte d'un cran à cause d'une autre circonstance: l'étrange association de Ted avec leur ennemi juré, Skinny Norris. Mais, sur ce point, les doutes sont quelque peu dissipés. Vous pouvez en lire les détails dans la deuxième partie consacré à Skinny.
  Alors qu'ils se rendent à la propriété Sandow, le trio à l'occasion de discuter en l'absence de Ted qui les guide en voiture:

  "[...] I am wondering why Ted happened to show up at the salvage yard the day after you fellows picked up that amulet."
  "You think he knows we found the amulet, but doesn't know it was stolen from us?" Bob asked.
  "Gosh!" Pete said. "That would mean there's more than one group mixed up in this!"
  "Or perhaps he knows the message was removed from the amulet, and wants to get hold of it," Jupiter suggested.  
  "Gee," Bob protested, 'he seems like too nice a fellow, Jupe."
  "Perhaps it is only a coincidence," Jupiter conceded, "but I suggest we be alert, watch what we say, and keep our eyes open."

  "[...] C'est au sujet de Ted que je me pose des questions. Pourquoi est-il venu au Paradis de la Brocante, le lendemain même du jour où vous avez trouvé l'amulette?
  -Tu veux dire, risqua Bob, qu'il sait que nous avons trouvé l'amulette mais qu'il ignore qu'on nous l'a volée?
  -Nom d'un pétard! s'exclama Peter. Il y aurait donc plus d'un groupe mêlé à cette affaire!
  -Il se peut aussi, suggéra Hannibal, que Ted sache que le message a été retirée de l'amulette et qu'il souhaite le récupérer.
  -Voyons Babal! protesta Bob. Ted a l'air tout ce qu'il y a de régulier. Je le trouve même très sympathique.
  -Sa venue ici peut n'être qu'une coïncidence, concéda le chef des Détectives. Mais je vous conseille d'être vigilants. Mesurez vos paroles et gardez l’œil ouvert."
Paul et Gaétan Brizzi, 1983.
  Cette suspicion est habilement construite sur plusieurs pages et je cite ce dernier extrait à la fin du Chapitre 6 pour vous rendre compte du crescendo:

  "Inside the barn, Jupiter looked around to see if they were alone, then drew Bob and Pete into the shadows.
  "Did either of you notice it?" Jupiter demanded with a grim look on his face.
  "Notice what, Jupe?" Pete asked.
  "Ted asked about the question marks on our card."
  "People always ask, Jupe," Bob said.
  "But Ted hasn't seen our card when he asked!"
  Bob blinked. "You're right! Harris had the card!"
  "You mean he knew about us all the time?" Pete said.
  Jupiter nodded. "He knew about our card, which means he was lying to us. He didn't have to talk to us about selling the junk. If that was all he really came to the yard for, he could have talked just to Aunt Mathilda. Fellows, the junk was just an excuse to meet us!"

  "Une fois dans la grange, Hannibal regarda autour de lui pour s'assurer qu'ils étaient bien seuls, puis, se penchant vers Bob et Peter:
  "Avez-vous remarqué? souffla-t-il
  -Remarqué quoi? demanda Peter, étonné.
  -Ted s'est enquis de la signification des points d'interrogation, sur notre carte de visite.
  -Ça n'a rien d'étonnant, fit observer Bob. Les gens posent toujours la question.
  -Sans doute, mais Ted nous a interrogés sans avoir vu notre bristol."
  Bob émit un léger sifflement.
  "Tu as raison, mon vieux. C'est Harris qui l'avait en main. Et Ted était assis à l'autre bout de la pièce.
  -Parfaitement. Ce qui signifie qu'il avait vu notre carte auparavant et, donc, qu'il nous ment. Pourquoi a-t-il prétexté ces vieilleries à vendre? S'il voulait nous voir, il n'avait qu'à le dire carrément à tant Mathilda. Voyez-vous, ce gars-là cache quelque chose."

  On peut affirmer au passage que William Arden utilise avec subtilité la question récurrente posée concernant les points d'interrogation sur la carte, ce qui représente un petit plus à son avantage.
  Le Chapitre 7 contient un long dialogue entre nos trois amis sur le même thème et on aura même une confrontation nocturne (Chapitre 8) entre Ted d'un côté et Jupiter/Hannibal et Peter de l'autre. Je vous laisse donc découvrir le premier par vous-mêmes et la seconde dans un article annexe. La suspicion envers Ted ne sera totalement écartée que très tardivement et on trouvera d'autres passages ponctuels où elle sera exprimée. Mais j'estime que j'ai suffisamment parlé de cet élément d'intrigue.

2."Fellows":

  Je continue à vous rendre compte de l'apport de William Arden en vous signalant que sur un site consacré à la série intitulé T3I Readers' Site (qui constitue une de mes principales sources, notamment pour les illustrations anglo-saxonnes), on peut lire dans une sous partie consacrée à Arden: "[...] It is William Arden who perpetually uses the word "fellows" as a noun of address when one of the boys is talking to the other two." Ce que je peux traduire ainsi: "C'est William Arden qui utilise systématiquement le mot "fellows" lorsqu'un des garçons s'adresse aux deux autres".
  Le terme "fellow" est un terme qui lie les personnes que ce soit pour désigner des camarades, des collègues, des concitoyens, des compatriotes... Mais dans la série qui nous intéresse, il est utilisé comme une "béquille" destinée à interpeler plusieus personnes simultanément et on peut le traduire par "les/mes amis" ou "les gars".
  Je sais que ça risque de ne pas être très intéressant, mais pour mon projet j'ai décidé de lister les occurrence du mot "fellows" et de voir dans un premier temps si je peux trouver ou plutôt supposer une intention de la part d'Arden et dans un second temps la manière dont le mot est traité par la traductrice Claude Voilier.
  Je n'ai eu connaissance de ce détail qu'après avoir lu The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du diable, la première aventure rédigée par William Arden et après avoir finalisé l'article consacré à cette enquête et il est malheureusement trop tard maintenant pour y intégrer les occurrences du mot "fellows". C'est pour cette raison que je vais les relever ici:

  OCCURENCE 1:"[...] added Bob. "Come on, fellows!""/"[...] ajouta Bob. Venez, les gars![...]". (Chapitre 2)
  OCCURENCE 2: "We'd better get some help, fellows," Pete said."/"Il nous faut absolument de l'aide! rappela Peter à ses compagnons." (Chapitre 2)
  OCCURENCE 3: "[...] Jupiter said briskly. "Are we, fellows?"/"[...] déclara Hannibal. N'est-ce pas, mes amis?". (Chapitre 4)
  OCCURENCE 4:
  -"[...] Jupiter agreed "[...] Are you fellows ready?"/"[...] répondit Hannibal. [...] Êtes-vous prêts?" (Chapitre 10)
  OCCURENCE 5 -"It's okay, fellows. [...]" The voice was Bob's [...]."/"Tout va bien, mes amis! [...]" C'était la voix de Bob!" (Chapitre 16)

  Vous pouvez constater qu'en tant qu'auteur encore intérimaire, William Arden n'utilise "fellows" que cinq fois seulement. Si on y regarde de plus près, Philip Fulmer, le créateur de T3I Readers' Site, dit vrai en mentionnant que le mot est utilisé quand l'un des détectives s'adresse aux deux autres (les occurrences se répartissent ainsi: deux fois pour Hannibal, deux fois pour Bob et une fois pour Peter).
  Il est peut-être risqué de formuler une telle affirmation, mais on peut presque considérer que, au-delà de la simple fonction d'interpeler, le mot "fellows", sous la plume de William Arden, est une sorte de mot magique cimentant leur association, autant détectives qu'amis. D'ailleurs on observera que les adultes s'adressent la plupart du temps à eux avec "boys", "lads" ou "my young friends", trahissant une hiérarchie adultes/jeunes garçons à leurs yeux. Il est même très significatif que "fellows" ne peut être employé par Jupiter/Hannibal, Peter ou Bob si le trio est scindé... ce qui arrive très souvent dans leurs aventures.
  Mais je constate qu'avec The Mystery of the Laughing Shadow/L'Ombre qui éclairait tout, qui est je le rappelle le premier tome post-Robert Arthur, William Arden va utiliser un peu plus ce terme:

 OCCURENCE 1: Jupiter: "Look at how carefully it's carved, fellows"/"Regardez, mes amis, dit [Hannibal], comme cet objet est finement ciselé". (Chapitre 2)
  OCCURENCE  2: Jupiter: "Can you fellows describe the laugh?"/"Au fait, mes amis, pouvez-vous me décrire ce rire?". (Chapitre 2)
  Claude Voilier préfère par deux fois "mes amis".
  OCCURENCE 3: "Fe-fellows," [Bob] stammered [...]"/non traduit (Chapitre 2) (remarquons tout de même que Voilier ajoute "mon vieux", terme qui peut être considérer comme proche).
  OCCURENCE 4: "Fellows!" Bob gave a warning cry."/"Bob laissa échapper un cri d'avertissement: "Gare!". Bizarrement, c'est encore pour une réplique de Bob que la traductrice omet de trouver un équivalent. Cela devient même un peu plus redondant. (Chapitre 3)
  OCCURENCE 5: "[...] Jupiter observed wryly. "Come on, fellows [...]"/non traduit. (Chapitre 5)
  OCCURENCE 6: "Come on, fellows," Jupiter said."/"Venez, mes amis!" décida Hannibal. (Chapitre 5)
 OCCURENCE 7: "I say, I'm pleased to meet you fellows." Ted beamed at the boys."/non traduit. (Chapitre 6)
  OCCURENCE 8: "[...] Ted asked, "What are the question marks for, fellows?"/"'[...] Ted demanda: "Que signifient les trois points d'interrogation [...], les gars?" (Chapitre 6)
  Pour la première fois et à deux reprises, c'est un personnage extérieur aux Trois Jeunes Détectives qui utilise le mot.
  OCCURENCE 9: "Jupiter pondered the question. "There could only be one reason, fellows."/non traduit. (Chapitre 7)
 OCCURENCE 10: "Suddenly the First Investigator frowned. "Fellows, do you both have all your cards?"/"[Hannibal] parut soudain avoir une illumination: "Dites donc, les gars, êtes-vous sûrs d'avoir en poche toutes vos cartes?" (Chapitre 7)
  OCCURENCE 11: "I suppose I did, fellows," Ted admitted."/non traduit. (Chapitre 8)
  OCCURENCE 12: "Jupiter: "I think you fellows ought to go over to the house [...]"/"[...] Je crois bon que vous alliez là-bas tous les deux [...]." (Chapitre 11)

  Je compte ainsi douze occurrences, réparties de cette façon: 7 fois pour Jupiter, 2 pour Bob et 3 pour Ted Sandow. Le fait de donner le mot trois fois à un personnage extérieur ébranle sérieusement ma théorie d'exclusivité au trio. J'ai peut-être suranalysé... peu importe j'ai du plaisir à le faire! Il faut d'ailleurs préciser que Ted Sandow utilise un autre terme familier, à savoir "Chaps" (qu'on peut aussi traduire par "les gars", "les mecs"... et qui est plus habituellement utilisé par les Britanniques) qui a la même fonction d'interpeller plusieurs personnes à la fois:

  OCCURENCE 1: "Hello, chaps, I'm Ted Sandow."/"Bonjour, mes amis. Je m'appelle Ted Sandow." (Chapitre 6)
  OCCURENCE 2: "It was really my fault, chaps," Ted explained."/non traduit. (Chapitre 6)
  OCCURENCE 3: "Ted nodded. "I'm really sorry, chaps [...]"/"Ted parut contrit. "Je regrette vraiment, mes amis [...]." (Chapitre 8)
  OCCURENCE 4: "Ted grinned. "[...] I'd really like to work with you chaps."/non traduit. (Chapitre 8)

  Toujours dans une optique probablement suranalytique, peut-être que William Arden a voulu signifier que malgré son utilisation répétée de "fellows", Ted Sandow trahit sa non-appartenance au club très fermé de notre trio. A vrai dire, il est dans un entre-deux comme tous les amis successifs des Détectives: il les accompagne momentanément, durant l'enquête puis il disparait. Sans oublier la suspicion dont il fait l'objet.

  Passons maintenant au traitement qu'effectue Claude Voilier des termes "fellows". En y intégrant les cinq occurences de The Mystery of the Moaning Cave/Le Trombone du diable, cela fait 17 occurrences. Claude Voilier traduit "fellows":
-5 fois par "mes amis".
-3 fois par "les gars".
-1 fois par "compagnons" mais dans la narration au lieu d'une réplique.
-1 fois par "tous les deux".
-elle ne le traduit pas 7 fois.
  Si le terme a vraiment une importance particulière aux yeux d'Arden, on peut se poser la question de savoir si c'est le cas pour Claude Voilier? Peut-être pas, il lui arrive trop souvent de ne pas le traduire même quand il sort de la bouche d'un des trois protagonistes principaux... Est-ce qu'un même terme doit-être forcément traduit par le même terme équivalent en français?
  Même si le terme est utilisé par Arden sans but précis, il donne tout de même une dynamique qu'il n'est pas superflu de transposer, surtout quand il sort de la bouche de Jupiter/Hannibal, détective en chef rappelons-le. Le terme donne un certain poids, un élan vers l'avant, que cela soit pour attirer l'attention ou donner des directives à Peter et Bob, ses subordonnés dans la hiérarchie instaurée de l'agence.
  D'autre part Voilier a-t-elle volontairement substitué "mes amis", qu'elle choisit souvent, par "les gars" pour exclure Ted, faire savoir au lecteur qu'il ne fait vraiment pas partie de l'agence de détectives? Encore une fois, ce ne semble pas le cas puisqu'elle l'utilise avec Bob et Hannibal. De plus, elle traduit par deux fois "chaps" par "mes amis" (les deux autres occurrences de "chaps" ne sont pas traduites).
  Je referai cette analyse pour la treizième enquête, elle aussi écrite par William Arden. Comme je suis en train de la lire simultanément à la rédaction de cet article, je peux déjà vous annoncer que l'auteur utilise encore le terme... et pas qu'un peu!

III.Edition française:

1.Traduction:

a.L'oralité des personnages:
  L'autre point de traduction que je souhaite aborder est récurrent puisqu'il s'agit de l'oralité de certains personnages. Ce sont bien entendu les non-américains dont il s'agit et comment leur façon de parler est-elle transcrite par l'auteur et traduite pour le lecteur français.
  Je vais commencer par les deux personnages anglophones, Ted Sandow et M. Harris. Arden signifie leur façon de parler avant tout dans la narration, du point de vue de nos trois amis. Ainsi peut-on lire dans le Chapitre 6:

  "[Ted] spoke very fast, and his accent was not easy to follow. Before the boys could speak, he was off again"
  "Son débit était rapide, comme celui de la plupart des Anglais, et son accent difficile à saisir. Avant que les garçons aient bien réalisé tout ce qu'il disait, il poursuivait déjà:"

  Vous remarquerez la façon qu'à de Claude Voilier d'insister encore sur les deux faits (Ted est anglais et les détectives ont du mal à suivre). Ce qu'elle ne fera pas quand, plus loin dans le même chapitre, il sera question de M. Harris:

  "He spoke with an English accent that was somehow different from Ted's. It sounded to Jupiter like a slightly cockney accent."
  "Il parlait avec un accent anglais, quelque peu différent cependant de celui de Ted."

  Elle omet le point de vue de Jupiter, ce qui est pourtant un indice qui aura pourtant son importance au Chapitre 14 dont est extrait le passage ci-dessous. Au passage, vous pouvez voir que Ted Sandow n'est pas encore rayé de la liste des suspects et vous pouvez apprécier la référence au Murders in the Rue Morgue/Double assassinat dans la Rue Morgue de Poe (les références littéraires ne sont pas étrangères à la série, notamment au personnage de Sherlock Holmes):


  "The way you describe it, it doesn't really sound like a voice at all."
  "That's it!" Jupiter exclaimed. "No voice at all At least not a human kind of voice. It reminds me of a story by Edgar Alla Poe, where no one understood the murderer's language because the murderer turned out to be an ape. Only this was no ape. But isn't there something... something in Australia, I think, that has a laugh that sounds - "
  "What are you talking about, Jupiter?"
  Jupiter chewed his lip in despair. "I... I can't remember exactly but I know it has something to do with an animal from Australia. Ted Sandow has an accent. He says he's from England, but maybe he isn't. Maybe he's an impostor from Australia."
  "Well, if you're talking about accents, what about Harris himself?" Chief Reynolds asked. "He sounds like a Limey to me."
  Jupiter's eyes brightened. "Chief!" he exclaimed. "Do you think Harris could be an Australian? I don't think that is a British accent at all."

Paul et Gaétan Brizzi, 1983.
  "Si j'en crois la description que vous en avez fait, il ne rappelle même aucune voix du tout.
  -C'est bien cela! s'exclama Hannibal. Aucune voix! Du moins, aucune voix humaine. Cela me remet en tête une histoire d'Edgar Allan Poe. Personne ne comprenait le langage du meurtrier... uniquement parce que celui-ci se trouvait être un singe! Seulement, notre ombre qui rit n'est pas un singe. Cependant... il y a quelque chose... quelque chose... en Australie je crois... qui rit comme ça...
  -De quoi parlez-vous, Hannibal?" demanda le chef de la police stupéfait.
  Hannibal se mordit la lèvre à l'en faire saigner. Il sonda désespérément le fond de sa mémoire.
  "Je... je ne sais pas exactement... mais je crois que ce rire à un rapport avec un animal australien. Ted Sandow a un accent particulier. Il prétend être anglais mais peut-être ment-il. Peut-être n'est-il qu'un imposteur venu d'Australie.
  -Eh bien, puisque nous sommes sur le chapitre des accents, que pensez-vous de celui d'Harris? Il est particulier lui aussi!"
  Un éclair passa dans les yeux d'Hannibal.
  "Chef! s'écria-t-il. Croyez-vous qu'Harris puisse être Australien? A mon avis, son accent n'est certes pas celui d'un Anglais!"

  Je ne pense pas pouvoir vous trouver des signes particuliers de deux accents dans les dialogues (excepté l'utilisation de "chaps", typiquement british) que ce soit dans le vocabulaire ou dans la syntaxe. A mes yeux, dans le texte original, ils sont trop proches des répliques américaines.
  Par contre, on ne peut pas dire la même chose de notre ami bavarois Konrad, que tout le monde connait maintenant, qui apparait au Chapitre 6 et nous offre une réplique dont Claude Voilier gomme quelque peu l'aspect rudimentaire:

  "I'll send a beer out for him," Ted said.
  "A beer is good." The Bavarian grinned.

  "Je lui ferai porter une bière, dit Ted.
  -Merci pour la bière, approuva Konrad avec un large sourire. J'adore ça!"

  Mais les dialogues les plus parlants sont ceux mettant en scène les Indiens. Ils n'ont l'occasion de s'exprimer qu'à partir du Chapitre 18 alors qu'ils délivrent Bob et Peter prisonniers d'une cabane perchée sur une falaise. Je ne cite qu'une réplique suffisamment longue et représentative pour vous donner une idée:

  "We leave, get old car, come here," Natches want on. "We find Mr Harris at fine hacienda in mountain. We think we hear Vittorio cry for help. We watch, see you find gold man. Next day we follow your big car - first to big studio, then to house where we get little man from you. When gold man not have letter from Vittorio inside, we look again for Mr Harris. We find him in big house. Try to make him tell where are boys. He fights with us and calls the police to put us in jail. We scared, run away."

  "Nous, partir aussitôt, continua Natches. Acheter vieille auto, venir ici. Nous trouver M. Harris dans belle hacienda dans la montagne. Nous croire avoir entendu Vittorio appeler au secours. Nous guetter. Nous voir vous trouver statuette en or. Le jour suivant, nous suivre votre grosse voiture... d'abord au studio cinéma, puis à la maison où nous reprendre Peau-Rouge souriant à vous. Quand nous voir aucun message dans la petite statue, nous surveiller de nouveau Harris. Nous trouver lui dans grande maison. Nous essayer lui faire dire où sont Vittorio et les autres garçons. Mais lui crier, frapper nous, et appeler police pour faire mettre nous en prison. Nous avoir peur, partir en courant."

  On constate que Claude Voilier respecte la syntaxe rudimentaire voulue par Arden. Il y a par contre une phrase du Chapitre 19 où elle attribue à ce personnage une phrase bien trop élaborée:

  "Mr Natches, can you track them?"
  "Track?" Natches said. "Si, of course. I track easy."

  "Monsieur Natches, lui dit-il. Ne pourriez-vous les suivre à la trace?
  -Si, bien sûr! J'ai l'habitude de débrouiller les pistes!"

b.Contresens, ajouts, omissions, etc.:

  Chaque épisode contient de multiples points de traduction discutables. Il serait impossible ou trop long d'établir une liste exhaustive, mais j'insiste toujours sur quelques occurrences qui me semblent importantes.
  Parmi les "fautes" basiques et fréquentes de Voilier, on trouve:

-des contresens:

-"At the end of their recital, Jupiter frowned thoughtfully"/"A la fin, il soupira." (Chapitre 2) On pourrait traduire "frowned thoughtfully" plutôt par "fronça les sourcils, pensif"
-"Sort of sad, I'd say. Maybe an old man."/"Oui... un peu comme un vieillard qui aurait peur." (Chapitre 2) "Sort of sad" n'indique pas une notion de peur, mais de tristesse.
-"There was so much dust on everything that it seemed as if nothing had been touched for at least fifty years."/"Tous portaient une couche de poussière si épaisse qu'elle semblait être là depuis des siècles." (Chapitre 6) L'idée est la même, mais pourquoi exagérer?
-"Fifty feet of open space?"/"Cinquante mètres en terrain découvert?" (Chapitre 10) En convertissant cinquante pieds on obtient seulement quinze mètres, c'est une belle différence, non?
-"You be quiet," Sanders growled. "The boss knows what he's doing."/"Tenez-vous tranquille! ordonna Sanders d'une voix rude. Le patron n'aime pas qu'on soit trop curieux." Le texte original dit littéralement: "Le patron sait ce qu'il fait."

-des ajouts, comme on peut en repérer deux, mis ici en italiques:

  "As I said, Jupiter, Mr Harris thought you might perhaps have found it quite innocently. He pointed out that unfounded accusations are very dangerous."/"Comme je viens de vous le dire, M. Harris estimait que vous pouviez l'avoir trouvée en toute innocence. Et il m'a mis en garde contre une accusation sans fondement. J'aurais pu être attaqué en diffamation." (Chapitre 8)

  Et à la fin du même chapitre:
  "Jupe, why didn't you tell what else Bob and I saw last night? About the call for help, and the laughing shadow?"
  "Because I'm not sure Ted told us the truth," Jupiter said grimly."/"Dis-moi, Babal! Pourquoi n'as-tu pas raconté à Ted ce que nous avons vu hier soir, Bob et moi? Tu ne lui as pas parlé ni de l'appel au secours, ni de l'ombre qui rit.
  -Tu veux savoir pourquoi je suis resté bouche cousue? Eh bien, je ne suis pas certain que Ted nous ait dit la vérité! avoua Hannibal d'un air tracassé."

-des omissions:

  "[...] I presume that would like young Bob and the Indian boys back safely?"
  Mr Andrews cried, "What have you done with Bob?"
  "Don't try anything, Harris," Chief Reynolds snapped."

  "[...] Je présume que vous aimeriez bien retrouver le jeune Bob et les petits Indiens sains et saufs, pas vrai?
  -N'aggravez pas votre cas, Harris! conseilla d'un ton sec le chef de la police." (Chapitre 20)

  Pourquoi omettre la réplique de Mr Andrews/M. Andy? Son inquiétude pour bob est tout de même un élément qu'il ne faut pas négliger.

  Au Chapitre 21, c'est une question d'Alfred Hitchcock qui est oblitérée afin de laisser la place aux explications de Jupiter/Hannibal (remarquez la coquille du texte original: "Rue" devient "Red", quelqu'un a-t-il confondu avec un autre texte de Poe, à savoir The Masque of the Red Death?):

  "Well, of course, I was still fooled at the time, and thought the shadow was Ted. But his accent reminded me that there are British-type accents that don't come from England."
  "Yes, I see that," Mr Hitchcock agreed. "But what led you to the kookaburra and Australia in particular?"
  Jupiter Grinned. "It was the way no one could agree on what the shadow sounded like when it laughed. We all heard it differently. I remembered Edgar Allan poe's famous story, 'The Murders in the Red Morgue,' and..."

  "Tout d'abord, monsieur, j'ai cru que cette ombre était Ted. Puis je me suis rappelé que tous les accents "britanniques" n'étaient pas forcément anglais. Par ailleurs, ce rire avait quelque chose d'assez peu humain. Je me suis alors souvenu de la fameuse histoire d'Edgar Poe: Double assassinat dans la rue Morgue et..."

  De plus, vous remarquerez le raccourci contestable qu'est "ce rire avait quelque chose d'assez peu humain" qui ne dit pas exactement la même chose que le texte original.

  Mais toutes ces différences sont plutôt habituelles. Ce qui l'est moins, même s'il existe déjà des exemples dans un ou deux tomes précédents, c'est quand la traduction s'amuse avec qui dit quoi ou qui fait quoi. Je vous fait pas de toutes les occurrences on l'on remarque ces anomalies:

-Au chapitre 2, la réplique de Pete est intégré à celle de Jupiter/Hannibal:

   "Jupiter listened to his fellow investigators with a puzzled expression. "Are you both heard the same laugh?"
  "Sure we did," Pete said lamely, "but I guess we didn't hear it the same."
  "Yet you both heard it clearly, and very close." The First investigator sighed. "I guess I'll have to hear it for myself to know what it sounded like. Are you both at least sure you heard a call for help?"

  "Je vois, dit Hannibal d'un air intrigué. En somme, ce rire pouvait être n'importe quoi. Aucun de vous ne peut le définir. On dirait que vous n'avez pas entendu de la même façon. J'en viens à me demander si vous avez bien entendu l'appel au secours."

  On remarque au passage une grosse omission: dans le texte original Jupiter envisage d'aller sur place pour se faire une idée du rire par lui-même. Claude Voilier omet ce détail.

-Au Chapitre 3, le même geste n'est pas effectué par le même personnage (Voilier tronque le texte original, une fois de plus):

  "The boys eagerly explained the events of the night before and described their discovery of the message inside the statuette. Mr Hitchcock listened impassively until Jupiter reached the part about the gold statuette and laid it on the director's desk."/"Les trois amis lui rapportèrent les événements de la veille, puis Bob déposa la figurine d'or sur le bureau du producteur."

-Au Chapitre 4, la réplique de Bob devient celle d'Hannibal:
   
  Jupiter shook his head. "I really know gold, sir."
  "Mr Hitchcock said it was solid gold, too, Professor Meeker," Bob stated.

  Le chef des Détectives secoua vigoureusement la tête.
  "Je sais reconnaître de l'or quand j'en vois, monsieur. Et M. Hitchcock, lui aussi, a déclaré que cette figurine était en or massif."

-Au Chapitre 5, la question de Jupiter devient l'affirmation de Bob:

  "But it is a call for help?" Jupiter asked."/"Cela parait bien être un appel au secours, dit Bob"

-Au Chapitre 7, la narration devient la réplique d'Hannibal:

  "Within an hour nearly every boy and girl in Rocky Beach would be looking for the dark man.
  "Now," Jupiter grinned, "we wait."

  "D'ici une heure, déclara hannibal en raccrochant après le dernier appel, tous les jeunes de Rocky, tant garçons que filles, se lanceront sur la piste de l'homme brun. Il ne nous reste plus qu'à attendre."

-Au Chapitre 10, Jupiter et Bob sont distincts par leurs actions alors que Claude Voilier utilisent la troisième personne du pluriel, comme une entité. Elle omet aussi quelques détails:

  "They hastened round the corner to the front door. Jupiter rang the bell. They waited, but there was no answer. Bob began knocking. There was still no sound inside the house. He tried the door, but it was locked. Meanwhile Jupiter was peering in the window beside the door."

  "Ils sonnèrent à la porte d'entrée. Personne ne leur répondit. Aucun son ne s'élevait de l'intérieur de la maison. C'est en vain qu'ils essayèrent d'ouvrir la porte: elle était fermée à clé."

-Au Chapitre 21, Alfred Hitchcock pose une question. Dans le texte original, Pete répond dans un premier temps et Bob ajoute quelque chose, mais Claude Voilier fusionne (avec de la perte...) ces deux répliques et n'en attribue à personne le résultat:

  "[...] Now what of the rest of the treasure. It belongs, I suppose, to Miss Sandow."
  "Peter said, "Professor Meeker is studying it. I believe the State has to determine its final disposition. Museums are eager to have pieces for their displays."
  "Miss Sandow hopes that Indians will realize some benefit from it," Bob added. "It would be nice if the Yaqualis could take some money back to their village."

   "[...] Au fait, ce trésor, à qui appartient-il au juste? A Mlle Sandow?
   -En partie seulement. Le reste, semble-t-il, reviendra à l'Etat. Les musées se verront attribuer certaines pièces. Nous pensons aussi que les Yaquali auront droit à une bonne récompense. Ce n'est que justice, au fond.

  Ces "déplacements" sont difficiles à expliquer. La traductrice confondait-elle les personnages dont elle traduisait les aventures pendant des années? Est-ce une tendance à la facilité pour ce qui est des omissions? Ou s'amusait-elle en se disait que le lectorat visé par la Bibliothèque Verte ne saurait jamais que de telles inversions ont été faites?
 
  Ceci dit, je voudrais relever également relever l'extrait ci-dessous:
  "Bob was the Research and Records man of the Three Ivestigators, and his facts were always correct about something he had looked up."/"Bob, qui adorait fouiner à la bibliothèque municipale, savait toujours une foule de choses sur les sujets les plus divers. Ses informations étaient toujours exactes." (Chapitre 2)

  Claude Voilier transforme ce qui est la fonction même de Bob dans le trio en une sorte de hobby. De plus, même si cela n'est pas précisé ici, il travaille à la bibliothèque municipale, ce qui facilite les recherches qu'il est amené à faire lors des enquêtes.

c.Le titre:

  Le dernier point de traduction qu'il me faut aborder c'est bien évidemment celui du titre. Le titre original se veut très pragmatique, il s'agit littéralement d'une "ombre qui rit". Alors que pour un minimum de cohérence avec les jeux de mots des précédents titres français, Voilier ou quelqu'un de chez Hachette a décidé cet oxymore d'"ombre qui éclaire". Sauf que ça ne colle pas vraiment avec le contenu du roman. Cette ombre énigmatique, quoique très présente, n'est pas par exemple ce qui aide les trois détectives à trouver le trésor des Chumash. C'est un titre à mon goût un peu tirer par les cheveux dans l'unique but de faire un trait d'esprit facile.
  Cependant, il est bien question d'"éclairer" quand au Chapitre 9, nos trois amis cherche à déchiffrer les dernières paroles de Magnus Verde/Grand-Cerveau (je me demande pourquoi cette traduction, d'ailleurs):

  "How could they hide the Hoard in the moon, or the sun?" Pete objected.
  "Not in the moon or sun, Pete," said Jupiter, "but maybe a place where the sun or moon always shines on some exact spot! The way the sun shone on certain temples in the old days."
   "Sure," Bob said. People used to build temples with a hole in the roof so that the sun would shine right on the altar."

  "Comment les Chumash auraient-ils pu cacher leur trésor dans la lune ou dans le soleil? protesta Peter.
  -Pas dedans, Peter, corrigea Hannibal, mais peut-être en un l:ieu où la lune ou le soleil brillent toujours exactement en un même point.
  -Rappelez-vous! dit Bob. Autrefois, certains peuples construisaient des temples de telle façon que le soleil les éclairait à des endroits très précis."

2.Illustrations:

  Ce douzième tome a en commun avec le onzième, Le Crâne qui crânait, d'avoir été publié en France tardivement, ne suivant ainsi pas la chronologie originale. Il a même été publié en 1983 (25ème publication) avant Le Crâne qui crânait (1984, 26ème). J'aurais peut-être l'occasion de pointer les conséquences d'une telle inversion. Même si c'est deux publications en décalé partagent la même traduction, il n'en ai pas de même pour le poste d'illustrateur. 
  Mais avant de vous dire de qui il s'agit, je dois d'abord signaler que pour cet opus, je n'ai pas pu me procurer les illustrations par le biais de ma source habituelle. Pour tout vous dire, l'utilisateur qui a posté l'intégralité des traductions françaises de la série sur le site Scribd, a jugé qu'elles n'étaient pas dignes d'être reproduites. Voici l'avertissement rédigé à l'intention des lecteurs:

AVIS IMPORTANT
En raison de la qualité exécrable des dessins présentés, qui dénaturent les 12 ouvrages précédents, nous avons décidé unanimement de retirer les illustrations des deux nouveaux 'dessinateurs'

  Petit précision avant de donner mon avis sur la question: il parle des "12 ouvrages précédents" car il compte Quatre Mystères (des nouvelles interactives de détection) qui à mon sens ne fait pas du tout partie de la série, même si l'un des héros, illustré par Jacques Poirier ressemble beaucoup à Bob.
  Tout d'abord, je tiens à remercier cet utilisateur. Grâce à lui, j'ai accès très facilement à toutes les illustrations françaises existantes de cette série. C'est du coup extrêmement dommage que je trouve son choix concernant cette douzième aventure trop arbitraire. Mon projet se veut le plus exhaustif possible (c'est la raison pour laquelle j'utilise même des illustrations enfantines de Spaghetti Book Club) et j'ai trouvé dommage que l'on ne me donne pas accès aux illustrations de L'Ombre qui éclairait tout. Peu importe l'illustrateur, une telle censure est impardonnable puisque son effort est partie intégrante de la publication.
  Je dois vous raconter comment j'ai pu malgré ça vous faire part d'une partie du travail des dessinateurs (puisqu'ils sont en fait deux) autant méprisés (l'intégralité sera sur un tableau Pinterest dont j'intégrerai le lien ultérieurement). A Orléans, la Place du Martroi accueille tous les vendredis des bouquinistes. L'une d'elles vend des Bibliothèques Rose et Verte et j'ai eu la chance de trouver le seul ouvrage de la série des Trois Jeunes détective qu'elle proposait à la vente. Il s'agissait, je vous le donne dans le mille, de L'Ombre qui éclairait tout dans sa version cartonnée et illustrée. J'ai hésité à l'acheter car j'avais déjà le texte dans une édition ultérieure, souple et sans illustrations. J'ignorais à cet instant que ma source en ligne avait décidé stupidement de censurer arbitrairement ce dont j'allais avoir besoin au moment de faire l'article sur cette enquête d'Hannibal & Co. J'ai donc eu beaucoup de chance de tomber sur cette bouquiniste et pris la bonne décision en m'allégeant d'un modeste euro puisque j'ai pu scanner les illustrations internes par la suite.
  Je me pose la question: le censeur s'est-il renseigné sur le parcours des illustrateurs dont il qualifie les efforts d'"exécrables"? Car ces artistes que je qualifiais de transitoires, non avec mépris mais parce qu'ils n'ont contribué qu'une seule fois avant de laisser la place à Yves Beaujard. Il s'agit des frères jumeaux Paul et Gaétan Brizzi. Au titre d'illustrateurs s'ajoutent les casquettes d'artistes-peintres et de réalisateurs de films d'animations. Leur CV présente quelques lettres de noblesse:
-des courts-métrages récompensés plusieurs fois (Un et Fracture)
-Asterix et la surprise de César (1985)
-création de la société Brizzi Films en 1986, productrice de publicités et de séries animées (Le Piaf par exemple),
-la Walt Disney Company fait appel à eux en 1989 et la collaboration sera durable (La Bande à Picsou - Le Film, Le Bossu de Notre-Dame, Fantasia 2000)
-participation à la production de Numéro 9 (2009) de Tim Burton.
-Projet Ruby Tuesday avec Mick Jagger.
-La Cavale du Dr. Destouches d'après Louis-Ferdinand Céline (scénario du comédien Christophe Malavoy) chez Futuropolis, 2015.
 
Paul et Gaétan Brizzi.
  Peut-on mépriser leur travail ponctuel pour la Bibliothèque Verte (qui ne semble pas être souvent mentionné) au vu de ces accomplissements certains et prestigieux (quoique l'on pense de l'énorme firme Disney, symbole de capitalisme)?
  Si vous voulez plus de détails sur les frères Brizzi, voici quelques liens:

La transition est toute trouvée puisque nous voici arrivés au survol désormais traditionnel des différentes couvertures.
IV.Couvertures:

1.Françaises:

P. et G. Brizzi, 1983


Yves Beaujard, 1985.


 
















  Entre 1979 et 1984, ce n'est plus Jacques Poirier qui illustre les couvertures. Quelques dessinateurs intérimaires en sont chargés jusqu'à Yves Beaujard en 1984 (la Bibliothèque Verte remplacera même les couvertures originales par la suite). A gauche, nous avons donc l'une de ces éditions provisoires remplacée deux ans plus tard par la couverture (encore cartonnée) avec fond jaune qui sera une constante entre 1984 et 1988. A noter également que l'illustration des frères Brizzi qui figure sur la couverture de la première ne figure pas à l'intérieur mais figure sur le quatrième de la deuxième édition, au-dessus du résumé traditionnel. Les illustrations internes seront reprises dans l'édition de 1985.

2.Anglo-saxonnes:

a.Américaines:

Harry Kane, 1969


Stephen Marchesi, 1978.
Charles Liese, 1979.



















Robert Adragna, 1989.
  Il ne semble pas y avoir de couvertures signées Roger Loveless ou Bill Dodge, sollicitées pour les versions les plus récentes aux Etats-Unis. Il faut aussi noter que la version de Robert Adragna a déjà été utilisée en 1982 avec en médaillon la silhouette d'Alfred Hitchcock en haut à droite, remplacée en 1985 et au même endroit par un trou de serrure.

b.Britanniques:

Peter Archer, 1973.
Peter Archer, 1982.


















Armada, 1994.

c.Autres:


Edition allemande.
Edition espagnole.





















Edition italienne.
Edition polonaise.





















Edition slovène.
Edition suédoise.



















  Je tiens à préciser que j'ai limité la présentation des couvertures autres qu'anglo-saxonnes et françaises. Il y a aura d'autres sur le tableau Pinterest encore en attente.

  A l'heure où je publie cet article, les notes sur le treizième tome, The Secret of the Crooked Cat/Le Chat qui clignait de l'Oeil, sont déjà en attente de mise en forme, l'article n'est pas encore commencé pour tout vous dire (il me fallait terminer celui-ci avant!). J'espère le poster courant septembre. J'irai même jusqu'à vous révéler que j'ai commencé à lire le quatorzième tome, The mystery of the Coughing Dragon/Le Dragon qui éternuait (si je mets le turbo, pourquoi pas l'article en septembre également?). J'ai pris un peu de retard dans la rédaction des articles mais, quitte à ne pas être raisonnable, je n'ai pas résisté à m'avancer dans les aventures de Jupiter & Co...

13.The Secret of the Crooked Cat/12.Le Chat qui clignait de l’œil.
14.The Mystery of the Coughing Dragon/11.Le Dragon qui éternuait.
15.The Mystery of the Flaming Footprints/14.L'Aigle qui n'avait plus qu'une tête.
16.The Mystery of the Nervous Lion/21.Le Lion qui claquait des dents.
17.The Mystery of the Singing Serpent/16.Le Serpent qui fredonnait.

The Mystery of the Laughing Sahadow/L'Ombre qui éclairait tout, William Arden. Traduit de l'américain par Claude Voilier.

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