"Rana Toad", ça se mange?

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mercredi 28 août 2013

C'est la découverte progressive de ce fleuve de tradition noire africaine coulant dans la vie du Delta qui donne forme aux expériences dont ces pages font la chronique. Les enregistrements de terrain, les tranches de vie, les pages jaunies de mes carnets de voyage, les rencontres et les conversations dont, souvent, on ne se souvient que vaguement après cinquante ans; tout cela révélait quelque méandre du grand fleuve où naquit le blues. A mesure que le travail progressait, l'éloquent peuple du Delta parlait plus ouvertement et ce fut une source de satisfaction profonde pour moi, Blanc du Sud, de pouvoir enfin pénétrer la façade sudiste et apprendre un peu à quoi ressemblait la vie pour qui tombait sous les lois Jim Crow. Les contes et les chants reviennent encore et toujours à quelques thèmes, aux tristes et risibles ironies du sort dans la vie d'un peuple de parias, à qui on refusait injustement les fruits d'une économie qu'ils avaient aidé à construire. Une des réponses des Noirs à cette injustice du sort fut de créer le blues - première forme de chanson satirique en langue anglaise - fondé sur des cadences qui, depuis lors, ont séduit le monde. Il est réconfortant de se rendre compte que tant le style que le contenu de ce genre nouveau sont des symboles audacieux d'une culture indépendante et irréductible.

Le Pays où naquit le blues, Alan Lomax, Les Fondeurs de Briques. Traduit de l'américain par Jacques Vassal.

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