"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

mardi 29 juin 2010

Malpertuis I

Cette première anthologie, pensée comme annuelle par l'éditeur, regroupe 22 auteurs confirmés et débutants dans le but d'explorer tous les grands thèmes de la littérature fantastique.

Paranoïa pour La Porte de Jean-Michel Calvez: on après la mort aussi violente qu' accidentelle de sa femme à un homme qui va bientôt se sentir persécuté par toutes les portes et leur air supposé vindicatif.
Voyeurisme et vampirisme pour V comme... de Benoît Guiseppin: Un voyeur mate un pédophile aborder une fillette, puis l'amener dans une ruelle. Mais la victime ne sera pas la personne à qui l'on pense au premier abord et le voyeur a un rôle bien particulier. Une nouvelle malsaine au retournement de situation juste jouissif!
Affrontement avec une harpie dans Ceux du marais de Sylvie Miller: un enfant maltraité des pires façons par une mère folle et un père violent se réveille un beau matin au milieu des carcasses de tout le troupeau familial. Mais lui sait qu'il n'est pas le coupable. Qui est la mystérieuse créature qui le venge jusqu'à l'irrémédiable? Que veut-elle?
Détournement du mythe du Golem dans Golem de dancefloor de Laurent Fétis: Un golem narre en 5 actes sa naissance absurde et les rencontres déterminantes qui l'on forgé au sens propre ainsi que son recrutement forcé par un SS pour exécuter les plus viles taches dans un camps, les viles travaux effectués dans les mines d' Afrique qui l'ont rendu riche, comment il a employé cet argent pour continuer à être forgé par les plus grands spécialistes et payer leur silence et enfin la touche final...
Recette viticole particulière pour AOC Dealu-Mare de Romano de Vlad Janulewicz: un œnologue réputé par à la recherche d'un cru bien particulier dans un château qui aurait accueillit Vlad Tepes en personne. Mais il découvrira à ses dépends des techniques de fabrication hors norme.
Découverte d'une cité merveilleuse et légendaire pour La Cité de neige de Nicolas Kempf: un alpiniste se retrouve perdu au milieu de nulle part dans la montagne et attend avec espoir les secours. Mais souhaitera-t-il être sauvé quand il aura découvert toutes les merveilles de cette cité? Le lecteur se demandera s'il s'agit d'une nouvelle sur la folie ou si le personnage est vraiment là où il pense. Un thème moult fois exploité dans la littérature fantastique et dans des séries comme La Quatrième dimension au point que je n'ai pas eu particulièrement le sentiment que l'auteur apportait une réelle innovation ou réinvention.
Lien avec l'au-delà et amour paternel dans Le Miracle du fusain de Patrick Eris: ou quand un don et des images particulières semble non seulement être légués mais aussi transmises au fur et à mesure de leur création supposée par le fils.
Fantôme et retour au pays de l'enfance pour Les Disparus de Saint-Bosc de Lucie Chenu: une mère recherche désespérément sa petite fille. Mais ni la police ni son entourage ne retrouvent trace de l'existence de l'enfant. Elle rêve alors d'un monde enfantin dans lequel le fantôme d'un petite fille attire d'autres enfants pour avoir de la compagnie tout en dénigrant la pédagogie éducative des parents et effaçant la moindre trace de leur existence dans le monde réel. La mère parviendra-t-elle malgré cette emprise à délivrer sa fille afin de la ramener à la réalité? Une évocation poétique et cruel du fantôme qui a besoin de compagnie à tout prix qui n'est pas sans rappeler le film Dark Water mais en inversé.
Dans L' Appel de la lune de John Everson j'avoue ne pas avoir bien tout compris...
Version revisitée de Faust avec un pacte avec une fée prêt de ses comptes dans Comme une étoile filante de Clara Williams: un chanteur qui n'intéresse personne passe un pacte avec une fée pour atteindre rapidement la gloire. Mais à quel prix? Sera-t-il prêt à en assumer toutes les conséquences?
Naissance d'un ange de la mort dans Noirescence de Sophie Bataille: une femme se rend à un mariage mais ne s'attend pas à y faire de bien curieuses et dangereuses rencontres qui la mèneront à une transfiguration aussi inattendue que douloureuse.
Rencontres avec des extraterrestres qui liquéfient végétaux et humains dans un trou perdu dans Merlignies de Jess Kaan: une nouvelle très amusante par son côté rencontre avec des red-necks stupides.
Jeu d'enfant sadique et inconscient dans La Poupée crucifiée de Brice Tarvel: un enfant ne se souvient pas bien du jour où il entraîna une petite fille qu'il aimait bien dans une grange pour y crucifier sa poupée. Laquelle a-t-il tué? Qui croira en un accident de jeu inconscient? Une nouvelle un peu longue qui aurait mérité un traitement plus court pour éviter au lecteur le sentiment de tourner en rond sans bien comprendre les tenants et aboutissants de histoire.
Dans L'Erdre et le loup d' Ophélie Bruneau un groupe d'humains tente de sauver un jeune loup-garou de sa fronde contre son clan. Une nouvelle intelligente que l'on qualifierait aujourd'hui de Bit-Lit mais plus fouillée.
Obsession dans Les Chemins de Khtâr de François Fierobe: un universitaire croit voir e partout dans les arts l'évocation de la cité de Khtâr. Une description de la perte d'objectivité scientifique nécessaire à tout chercheur qui n'est pas sans rappeler le film PI.
Intrusion subtile de zombie dans La Petite fille au mort de Claude Mamier: une petite fille ramène un mort auquel elle a l'air de beaucoup tenir dans sa belle maison. Les parents aimants isolent la belle maison du dehors afin que cela ne se sache pas ou pour éviter la contamination de l'extérieur ou de l'intérieur? Mais la mort va bientôt se répandre autour de la petite fille au goût morbide ainsi qu'à l'extérieur... Une nouvelle sur la fin d'un monde au ton de poésie douce comme une comptine enfantine.
Petite fille guérisseuse et psychopompe gitane dans Je guéris le cancer de Guillaume Suzanne: guérison miraculeuse d'un riche vieil homme plus que sceptique dans un coin mal famé.
Évocation du mythe de Circé dans Chien de garde de Jacques Fuentealba: un homme protège comme un chien de garde une magnifique femme des regards inquisiteurs des voisins vigilants de ce décor pavillonnaire.
Chasseur de peaux jeunes pour femmes riches sous fond de tourisme sexuel dans Peau douce, peau froide de Jean-Pierre Planque: sans conteste l'une de mes nouvelles préférées par le ton arrogant de son héros prie à son propre business! Très courte et très efficace par les effets de surprises abruptes.
Sacrifice très égoïste d'une femme de la vie d'un ange anonyme contre la vie de son mari dans Plume d'ange ( Annonciation, court-bouilon, putréfacton) de Sophie Dabat: un détournement jouissif des valeurs.
Vampire aux attentes bien particulières dans Ekphasis de Léo Henry: un jeune homme rencontre un vieil vampire aux manières bien élégantes dans un supermarché. Ayant perdu le goût et ne pouvant bien sûr boire que du sang celui-ci lui propose un pacte bien particulier, décrire de la façon la plus évocatrice possible le goût de tout ce qu'il lui fera goûter. Le jeune homme se prendra vite au jeu au point d'en oublier sa vie sociale et sa copine. Mais que se passera-t-il s'il ne trouvait plus l'inspiration? Et qui ont-été les esclaves blafards et peu causant du vampire? Une de mes nouvelles préférées par ses invocations poétiques, son goût des bonnes choses et un vampire aux attentes hors-norme.
Enfin évocation d'une secte aux valeurs bien particulières dans Béni soit le péché de Brian Hodge: une jeune fille visite son père à l'agonie mais celui-ci à une demande bien particulière, qu'elle accepte de le tuer pour obéir au dernier précepte de la secte que la famille fréquente de gré ou de force depuis des années. Car le père est depuis longtemps Hédoniste: une secte qui revendique suivre les péchés capitaux à la lettre. Mais parviendra-t-elle à aller jusqu'au bout de son initiation sans douter lorsque les Diacres lui commande de faire passer à la question un hérétique? Une nouvelle passionnante sur l'extrémisme religieux, la confiance et fidélité aux parents et le doute personnel.


Bien sûr les esprits chipoteurs diront que toutes les nouvelles ne se valent pas, comme dans toute anthologie, mais Malpertuis I réserve de belles surprise bien sadiques comme il faut qui rappelle parfois les meilleurs récits des Contes de la cryptes (version comics comme épisodes de séries télévisés) !

A noter des biographies de toues les auteurs à la fin de l'ouvrage.

Anthologie dirigée par Thomas Bauduret, collection Brouillards, septembre 2009.

lundi 28 juin 2010

O'Boys de Philippe Thirault et Steve Cuzor


Ils nous préviennent juste avant d'attaquer le premier tome: l'histoire est "librement inspirée du roman de Mark Twain". Alors n'allez pas grogner, bande de puristes fanatiques, et laisser donc la créativité de Philippe Thirault et Steve Cuzor aller son cours. Bon d'accord, j'admets ma perplexité première en réaction à certains détails: Tom n'est pas Tom Sawyer mais Tom Finn, grand frère de Huck et il n'est ni le gentil gamin débrouillard (personnage nostalgique du roman éponyme) ni le petit pervers censé représenter la dégénérescence du Sud (personnage plus controversé dans l'original Huckleberry Finn). L'époque n'est pas non plus la même: de la presque fin du dix-neuvième siècle, l'aventure est reportée aux années 1930, chose qui acquiert une cohérence si l'on se penche un peu sur les parcours croisés des auteurs (Miss pour Philippe Thirault et Blackjack pour Steve Cuzor.)

Mark Twain ne se retourne pas dans sa tombe, l'histoire bifurque et il serait crétin de se plaindre de cette voie alternative. Beaucoup de points communs bien sûr, le père Finn alcoolique et violent, l'indépendance de Huck, complètement imperméable à ce que la bonne société veut lui inculquer, sa naïveté, les choix auxquels il est confronté et surtout son amitié avec cet avatar de l'esclave Jim qu'est Charley Williams.

Les circonstances de leur fuite en tandem présentent aussi quelques divergences, même si Huck simule sa mort de la même façon, Charley va être suspecté et recherché pour ce meurtre censé accusé le père Finn (Jim s'échappait pour ne pas être vendu). Les différences qui stimulent le mouvement de l'intrigue sont d'une part la recherche de Tom, porté disparu, mais qui semble être le chef fantomatique d'une organisation syndicale sous le surnom de Snake et d'autre part les aspirations musicales de Charley. Ces dernières justifient l'époque des années trente puisque Charley rencontre à l'occasion d'un concours de blues un étrange musicien appelé Lucius Brown qui n'est autre qu'une incarnation fictive du légendaire...mais chut, j'en dis trop. Le blues ponctuent donc de quelques notes les deux tomes déjà parus. A noter que Steve Cuzor a illustré le BD Blues (Ed. Nocturnes) consacré à Leadbelly.

Entre western et road-BD, c'est aussi l'occasion de décrire la vies des white trash, hobos, et autres figures itinérantes du Sud des États-Unis, toujours à la recherche d'un coin où prospérer ou, au moins, survivre.

Mon vocabulaire technique concernant la bande dessinée étant très limité, je me contenterai de dire que les couvertures sont très jolies et que j'aime beaucoup le dessin de Cuzor. Ouais, limité à ce point là, désolé. Du point de vue du scénario, les virages que prennent les rebondissements mènent très agréablement vers un quelque part (reprenant des épisodes du roman adapté ou pas?) qui nous sera révélé que dans le troisième tome, sans date de sortie prévue mais avec un titre, peut-être provisoire, sinon certain: Midnight Crossroad.

O'Boys n'est donc pas à proprement parlé une adaptation BD des Aventures de Huckleberry Finn, mais une variante qui répond à un besoin des auteurs à revisiter des thèmes qui leur sont chers (le peu de renseignements glanés sur leur parcours respectifs donnent envie de creuser un peu, d'ailleurs) ou apporter leur contribution aux recréations d'une œuvre et ainsi l'enrichir.

Interview de P. Thirault sur France 2 (attention, plusieurs vidéos enchaînées): http://www.france2.fr/bd/index.php?page=bd-bande-dessinee-videos&id_document=3997

Courte interview par ActuaBD: http://www.actuabd.com/S-Cuzor-P-Thirault-O-Boys-est-une-ballade-sur-l-humanite-sur-la-relation-entre-les-gens

La bande-annonce promotionnelle de Dargaud: http://www.dargaud.com/front/albums/dossiers/dossier.aspx?id=106

O'Boys t.1: Le Sang du Mississippi et t.2: Deux chats gais sur un train brûlant, Philippe Thirault (scénario) et Steve Cuzor (dessin, et couleur avec Meephe Versaevel), Dargaud, 13,50€ pièce.

Chien du Heaume



Incroyable. Je lis beaucoup de littérature fantastique, mais vraiment beaucoup.
Depuis des années. Et je n'accorde en général que peu d'intérêt aux prix littéraires, sauf quand ils couronnent des auteurs que j'aime déjà.
Mais ce Grand Prix de l'Imaginaire décerné à Justine Niogret, c'est quelque chose.
En fait, qu'est ce que c'est, Chien du Heaume ? Rien de moins qu'autre chose qu'un roman fantastique. Voire pas du tout un roman fantastique. Pas étonnant de la part de Mnémos, qui avait déjà mis les mains dans le cambouis répandu par Justine Niogret, avec Dehors les chiens, les infidèles de Maïa Mazaurette.

Chien du Heaume distille le fantastique dans ses interstices, là où le lecteur ne regarde pas, là où l'auteur ne va pas. Là où l'imagination règne en maître.
Justine Niogret est très certainement complètement folle, mais elle sait écrire, et elle maîtrise la période qu'elle conte du bout des doigts. La lecture est un tel plaisir qu'on voudrait réellement que le livre ne se termine jamais. Les personnages, attachants; l'histoire, passionnante; le cadre, magnifiquement retranscris.
On peut considérer que Chien du Heaume est l'histoire d'une mercenaire qui cherche à retrouver ses origines dans un monde médiéval qui se trouve au discret tournant de son époque. Sa quête la mènera dans des lieux où elle bifurquera de sa recherche pour rechercher la compagnie des gens qui lui sont identiques, familiers ou juste attractifs. Et finalement, c'est sa quête qui la trouvera toute seule. Mais ce roman ça n'est pas vraiment ça non plus.
Ce roman est surtout la mise en scène d'un amour magnifique de son auteur pour une époque et tout ce qu'elle contient. Poétique, émouvant, brutal, sanglant, drôle, Chien du Heaume est tout cela - plus ce que vous y trouverez vous-même.

Chien du Heaume
Justine Niogret
Mnémos
18€

dimanche 27 juin 2010

Blackbird - Pierre Maurel

Une critique un peu inhabituelle, mais nécessaire, pour nous rappeler que le livre, et la création, ça n'est pas seulement édité en propre et conventionnel.

L'excellente BD de Pierre Maurel, Blackbird, est vendue par ses propres soins sur son blog, imprimé et agrafée par l'auteur lui même, et ne coûte rien du tout - ou presque. Au format fanzine, son style noir et blanc rappelle Frederik Peeters ou Loïc Dauvilier et sert une histoire épurée et brutale : à notre époque, plusieurs amis font un fanzine, lorsque tout à coup, la loi sur le prix unique du livre est supprimée. S'ensuivent des évènements un peu effrayants, un peu logiques, nous entraînant dans le monde du fanzinat, du skate, de la rébellion, et de la vie de tous les jours pour les jeunes héros.

Très vite prenant, malin, utile et intéressant, Blackbird nous sert avec un dessin impeccable une histoire qui mériterait - paradoxalement - de ne jamais, mais vraiment jamais, sortir en album et d'être distribuée dans la rue.

Morts sûres

Étranges meurtres au cimetière du Père-Lachaise. Une gardienne disparaît, une femme,dans un fauteuil, meurt, deux gitans chapardeurs se font violemment massacrer, deux jeunes gothiques, forts caricaturales, sont interrogées. Elles pourraient avoir aperçu une femme en noir poussant un fauteuil roulant, seul indice de la police.
Le commissaire Licci, géant pas très sociable, mais extrêmement intègre, et Marie Loutre, jeune recrue désarçonnée par la méthode de communication de son chef, partent sur une piste qui semble de toute évidence partir du dit cimetière. Car il parait évident que les gothiques qui y "logent" de jour comme de nuit ont un rapport avec tout ce massacre qui semble complètement illogique sinon.

Au programme clichés sur les gothiques et autres visiteurs réguliers du lieu, chat noir , dame en noir à l'air vindicatif, catacombes, symboles mystiques que même ma mère connait tellement elle en a entendu parler à la télévision et scènes de massacre fort appétissantes. Mais on apprend à la moitié de l'enquête qu'il ne s'agissait que de fausses pistes pour occuper nos héros!

Benoit Chavaneau et Hana Myo Shin détournent avec brio les clichés pour perdre le lecteur trop occuper à s' en offusquer pour se poser une minute la question d'une autre hypothèse plus terre à terre mais tout aussi complexe que celle de la dame en noir vampire.
Les chapitres très courts apportent rapidité et multiplicité des points de vues, procédé qui rappelle le style feuilletonesque ( il est d'ailleurs expliqué dans les notes que le roman a été initialement publié sous cette forme dans le magazine éphémère pour de bonnes raisons Crypt'o Goths).

Un point notable est à mettre en avant: la bande sonore du livre composée par Heavenly Creatures, groupe gothique atmosphérique qui apporte tout son côté flânant et ambigu au roman.

Des extraits de la bande sonore sur le myspace d'Heavenly Creatures
Premier chapitre sur le site de l'éditeur
Bande annonce du livre

Pour commander le livre + le cd
Juste le cd, site officiel du groupe, envoyer un mail, ça sera 10.90 euros le cd seul au lieu de 19.90euros le livre + le cd (sachant que le livre seul coûte 12 euros...).

Benoit Chavaneau et Hana Myo Shin, Éditions Juste pour lire, avril 2010.

Sticker La Mouche et Les Zozios tome 1

Deux nouveaux titres pour la collection jeunesse des Éditions Argemnios. Si les deux premiers titres ne m'avaient pas convaincu ceux-ci, j'avoue , m'ont tiré de petits sourires amusés grâce à l'humour noire et décalé de Mathieu Coudray (scénarios, dessins et couleurs), illustrateur des couvertures du Ballet des âmes, et Les Sombres Romantiques aux éditions Du Riez, Et cette porte, là-bas, qui se fermait... aussi aux Éditions Argemnios.

Dans La mouche on suit sous forme de comic strip de 4 cases des mouches particulièrement cyniques qui font exprès de de perdre et de tuer les petites mouches parce qu'elles en ont trop, des séances de drague abrégée par l'espérance de vie des participants, des pièges à cons à mouches particulièrement efficaces...

Si tous les gags ne sont pas tous immanquables je pense que ce petit recueil plaira aux fans de petits livres d'humour que l'on vend parfois par paquet de quinze en se disant que ça fera encore un petit cadeau amusant et pas cher!

Même principe pour Les Zozios mais cette fois dans un format bd broché.

Deux zozios, s'ennuient ferme sur une branche et parle de tout et surtout de rien afin d'occuper leurs longues journées et parfois nuits.

Des visiteurs viennent parfois envahir leur territoire: Zieuty, une chouette insomniaque qui s'ennuie ferme aussi, un perroquet qui a l'idée bien saugrenue de nous seulement les squatter mais aussi d'avoir une conversation fort limitée composée de répétitions toutes bêtes, un escargot kamikaze, suicidaire ou téméraire, selon les points de vue, la chauve-sourie Lord Desmodus, une fée un tantinet territorialiste qui graffitie l'arbre de nos héros pour marquer son territoire, mais aussi une soucoupe volante qui vient enlevée leur copine la chouette, le père-noël qui met son grappin sur leur branche et des ballons qui ne vont que passer!

Les héros de Mathieu Coudray posent leurs regards acerbes et absurdes sur le monde qui les autour. A conseiller aux fans d'absurde et non aux enfant comme la couverture pourrait le suggérer.

Pour ma part j'avoue m' être intéressé à ces deux titres afin de découvrir une autre facette du travail de cet illustrateur que j'apprécie beaucoup.

Mathieu Coudray, Éditions Argemnios, mai 2010.

samedi 26 juin 2010

L'Or blanc de Louis XIV - Odile Weulersse


L’histoire se déroule à Paris, à l’époque où le jeune Roi Louis XIV accède au trône et vit fastueusement à Versailles.


Le récit débute par l’arrestation par les forces de l’ordre du jeune Timoléon, apprenti barbier-chirurgien sans histoire. Il est accusé à tort de contrebande de sel. Bien qu’il clame son innocence, il est conduit au pilori et exposé an place publique, à la merci de la foule haineuse. Il échappe de justesse aux galères grâce à l’aide de sa sœur Armande et de leur ami Fleuridor, et va se réfugier à la Cour des Miracles, où se cachent de nombreux criminels. Il erre ainsi, dans la misère, acceptant les travaux les plus pénibles pour gagner de quoi survivre. Révolté par sa situation et ne supportant pas son nouveau statut de criminel recherché et sa nouvelle vie misérable, il se lance dans une enquête afin de prouver son innocence.


Durant ce temps, sa sœur Armande, couturière ambitieuse, est demandée en mariage par le Comte de Maronville, malgré le fait qu’elle ne soit pas noble, et sans dot. Bien qu’elle soit promise à Fleuridor, elle accepte cette union. D’une part, cela lui permettra de devenir une couturière connue, et d’autre part, le comte lui a promis de faire innocenter son frère Timoléon grâce à ses relations dans le milieu juridique. Cependant, le Comte se révèle au fil des pages comme un individu mystérieux et sournois.


L’Or blanc de Louis XIV est un livre assez dur, dans la mesure où l’on se confronte à la pure cruauté humaine. Par exemple, les parisiens se réjouissent de voir Timoléon au pilori, car cela constitue, en cette période de famine, une des seules distractions de leur vie maussade. Durant la quasi-totalité du livre, le peuple sera ainsi montré sous un jour plutôt noir, soit totalement indifférent, soit moqueur et amusé face à la détresse d’autrui. La justice n’est d’aucun secours, car c’est elle-même qui a plongé Timoléon dans la disgrâce. Accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et condamné à une mort certaine aux galères, on ne lui laisse à aucun moment la possibilité de se défendre ou de prouver son innocence. Cela a provoqué chez moi une sensation de révolte tout au long de ma lecture.


On évolue dans un univers sale et malsain. Les rues de Paris sont remplies de déchets, une vieille femme examine un garçon qui a « la tête remplie de poux », et les miséreux mangent des mulots morts trouvés dans le caniveau pour survivre…La lecture de ce livre laisse donc une impression de saleté constante, plutôt oppressante. Comme Timoléon, on a envie de se débattre, d’en sortir et de retrouver de toute urgence un environnement propre et respectable. Nous le suivons donc dans sa quête de réhabilitation.


Un roman plutôt sombre, dérangeant tout au long de sa lecture, avec une fin ouverte. A ma connaissance, aucune suite n'est prévue à l'Or Blanc de Louis XIV, et j'aurais peut être préferé une fin fermée, ne laissant pas présager de nouveaux tourments à Timoléon, Fleuridor et Armande.


L'Or blanc de Louis XIV, Odile Weulersse, Pocket Jeunesse, mars 2010, 15.20€

vendredi 25 juin 2010

Le rêve de Sam



Entouré de ses parents et de Josh, son petit frère, Sam est un gamin irréprochable. Pourtant, le jour où il s'assoit sur le mauvais banc, dans un square, il se fait arrêter par la police. Car Sam est noir. Et, en 1952 dans le Sud des Etats-Unis, un noir ne peut pas s'asseoir n'importe où. Plus tard, quand ses parents ont assassinés pour avoir voulu voter, le jeune Sam s'accroche à un rêve : devenir juge pour combattre les lois anti-noirs par la légalité... Folie ? Pas pour des hommes comme Martin Luther King. A travers le quotidien de Sam, découvrez les étapes de la lutte non violente de Martin Luther King pour les droits des Noirs aux Etats-Unis. Racontée comme un témoignage vécu, l'historie de Sam donne envie de soulever des montagnes !

Une fiction très forte pour apréhender les luttes non violentes de Rosa Parks et de Martin Luther King, mais aussi des mouvements étudiants du SNCC (Student Nonviolent Coordinating Committee) qui eurent lieu contre les segregations raciales aux Etats-Unis dans les années 60.
Une roman court, bouleversant, que j'ai beaucoup conseillé aux ados et qui a toujours reçu un accueil curieux, puis impliqué. Un point de départ pour comprendre l'Histoire, grand H et qui méritait d'être évoqué.

Le rêve de Sam, Florence Cadier, Gallimard

Le Tempestaire


Quoi de mieux qu'une belle entame pour aborder un livre qui nous a plu. Le tempestaire est un être bien connu dans le monde des mythes et légendes. Animal ou homme, c'est un personnage au talent extraordinaire puisqu'il peut s'approprier le vent.

La cité portuaire de Redemption est dominée par les nébuleux Directeurs de la Compagnie qui gèrent un commerce maritime florissant. Etre en mesure de soulever les tempêtes dans ce contexte fait de vous l'enjeu de terribles querelles de pouvoir. Vous devenez à la fois l'être le plus redouté et le plus recherché, Jed est en passe de le comprendre..

Le livre fait écho à mes yeux à la douane volante de François Place (par ici la chronique). On y retrouve cet enfant pauvre bringuebalé par un destin plus grand que lui, dans un monde menaçant et corrompu. L'histoire est tout bonnement captivante, certains personnages ont un charisme indéniable et mériteraient leurs propres romans (à quand un livre relatant les aventures exotiques de Chandaigne, ou le passé tragique d'Haggis!). Johan Heliot a reussi dans le premier tome de la série à rendre Redemption vivante, en distillant magie et cauchemars dans un univers industrialisé, régi par le sang et l'argent. A suivre..

Le tempestaire T1 La confrerie des naufrageurs, Johan Heliot, Baam édition

Freaks Corp. n°3

Voici déjà le troisième numéro de cette revue que je suis avec toujours autant d'attention d'autant plus que l'on sent une véritable volonté de l'équipe de tendre vers la professionnalisation par une mise en page de plus en plus élaborée. Le thème de ce nouveau numéro est la Fantasy.

Au programme:

Des chroniques
le désormais traditionnel Coin du vidéophage, une biographie développée du groupe The Legendary Pink Dots, groupe au style mélange de rock psychédélique planant, musique expérimentale, influences world ou jazzy à tendance post-punk (oui ça fait beaucoup) et la bibliothèque de Freaks ou chroniques des derniers livres parus chez différents éditeurs sf.

Des nouvelles
Les Frères siamois de Laurent et Olivier Souillé ( frères jumeaux aussi, le second étant directeur éditorial des Daniel Maghen éditions), un conte cruel, macabre et nostalgique très influencé par Tim Burton, Le Dernier voyage de Bran de Julien Delorme et Darkrün de Pierre Brulhet, on y suit la course de deux personnes devenant amis mais dont l'un trahi par la force des choses l'autre car un seul participant doit survivre pour devenir le nouveau roi du royaume. Une atmosphère entre Dune et Marche ou crève.
Un poème assez anecdotique d'Albert Samain, Vision.

Les portraits de Pascal Moguéron, artiste emblématique des éditions Aux bords des continents et Daniel Maghen et Ludovic Blay, sculpteur de créatures chimériques en fil de fer.

Et enfin le désormais traditionnel Coin de l'étrange avec quiz passionnant sur "Le Bestiaire fabuleux" des créatures méconnues de nos mythes régionaux, une rubrique sur les parodies de petites annonces décalées, une présentation des énigmes ésotériques du château de Maulnes et des mots-mêlés thématiques.

On retrouve une fois de plus des illustrateurs à suivre:
Senyphine, Yoann Lossel, Erwan Seure-Le Bihan, Thanatos, Olivier Villoingt, Yoz et Mark Pexton.

mercredi 23 juin 2010

Le Parfum de la chatte en noir et autres pastiches érotiques de romans policiers

L'auteur de Comment draguer la catholique sur le chemin de Compostelle, Osez coucher pour réussir et La Vie sexuelle de Blanche Neige, autre autres, revient avec un recueil de pastiches sur les aventures volontairement cachées des policiers les plus célèbres.
Dans Arsène lupin, gentleman gamahucheur le célèbre héros s'intéresse au derrière de la femme d'un ministre et imprime ses initiales à la naissance de son anus. Le vol de papier et d'un tableau serait-il un subterfuge pour s'occuper de la dite dame ou le contraire? Une reconstitution est nécessaire pour résoudre cette énigme. L'auteur tente de se rapprocher du style de Maurice Leblanc, remarque qui vaut pour tout le recueil, tout en y injectant un ton de vaudeville bourgeois.
Dans Le Parfum de la chatte en noir Rouletabille enquête sur le suicide supposé d'un artiste qui a été en fait étouffé par une nonne criminelle ancienne connaissance de notre héros! Il mènera l'enquête courageusement quitte à en perdre la vie dans un duel acrobatique. Au programme enquête lubrique, profanation, nécrophilie et amitié rapprochée avec des nonnes, tout pour se faire des amis!
Dans L'Héritier aux deux trous on retrouve un Sherlock Holmes lubrique et bien sûr drogué qui enquête sur l'enlèvement du fils héritier d'un riche banquier. Mais pourquoi le dit riche banquier a-t-il choisit comme épouse pour sa progéniture une prostituée qui n'a pas froid aux yeux? Cela cacherait-il un secret de famille bien encombrant? Au programme secret de famille et lesbianisme particulièrement inavouable dans cette Angleterre victorienne.
Dans Les Véritables mémoires du vit de Vidocq on suit l'enquête de la mort d'une riche héritière. Notre policier appliquera des méthodes bien particulières, modernes et pas franchement catholiques pour réunir des preuves. Il devra explorer les bas-fonds pour retrouver les assassins ce dont il ne se plaindra pas! A noter un lexique bien utile sur l'argot de l'époque à la fin de la nouvelle.
Dans Fantômas contre l'inspecteur Juve et le jeune journaliste Fandor on apprendra que pour provoquer la chute de Fantômas il suffit de le faire chanter de façon bien particulière avec l'aide de sa fille.
Dans La Mystérieuse histoire du gode d'ivoire Hercule Poirot devra donner de sa personne afin de comprendre non seulement qui est le voleur du dit objet mais aussi comprendre l'histoire de famille qui se cache derrière les mystérieuses initiales gravées à sa base.
Enfin dans Morsure sénile Miss Marple doit déjouer un maître chanteur, ayant jeté son dévolu sur un prêtre bien coincé et confident de tout le village, qu'elle pourrait bien connaître. Au programme flegme anglais bien coincé comme il faut et conspiration pour gagner un pari lubrique!

L'auteur tente non seulement de se rapprocher des styles des différents auteurs mais aussi les mentalités et langage des différentes époques. On apprendra qu'un journaliste doit souvent donner de sa personne pour mériter un reportage et que les amitiés, viriles ou non ,peuvent amener à des distractions peu catholiques!

Un livre très efficace à ne pas rater pour son ton burlesque!

Extraits:
"J'étais un homme et je répugnais à me dévêtir devant un autre. Mais, devant l'insistance amicale de Rouletabille qui m'avait moult fois, mais en toute virilité, troufigné le radada, je cédai"

Étienne Liebig, Éditions La Musardine, mars 2010.

Défense des animaux et sexe pour le millénium

Deux ouvrages aussi étranges que fascinants : Défense des animaux et pornographie de J. Eric Miller, et Sex for the millenium d'Harold Jaffe. Tous deux ont la particularité d'avoir été traduits par Claro, dont le landernau attend le prochain roman avec impatience. Nous pouvons donc affirmer, sans trop nous tromper, que ces deux recueils de nouvelles, assez proches, sont plutôt postmodernes, si tant est que ce mot veuille encore dire quelque chose.

Sex for the Millenium de Jaffe est rapide à lire, mais le choc de ses mots résonne encore longtemps après l'avoir lu. Littérature aussi expérimentatrice qu'expérimentale, Jaffe alterne nouvelles aux images chocs (voire très chocs - voire très très chocs) et dialogues surréalistes, avec un détachement chirurgical et salvateur, nous laissant juger par nous-mêmes, nous laissant penser qu'il se moque de ses propres écrits. On n'en saura pas plus du Millenium auquel il fait allusion, mais le sexe qu'il renferme est définitivement... bizarre.

Défense des animaux et pornographie, s'il n'est pas aussi direct dans la description de ses scènes dures, est bien pire à oublier : toutes les nouvelles ne concernent pas la sexualité, mais toutes sont dérangeantes. A dessein, certainement, mais pour une raison qui m'échappe encore... Non que la lecture soit désagréable, Miller écrit très bien et sait inventer des fictions jubilatoires - mais on n'arrive pas vraiment à en sortir indemne. Le dégoût, la peur sont toujours là, et heureusement que les personnages sont souvent lâches et minables, sinon, sur quoi pourrions nous nous rassurer, sortis de nous mêmes ?

Deux lectures intéressantes, avec une préférence pour le Miller, mais à déconseiller à ceux qui n'aiment pas les aventures littéraires un peu extrêmes.

Sex for the Millenium

Défense des animaux et pornographie

mardi 22 juin 2010

Ils m’ont appelée Eva - Joan M. WOLF


L’histoire se déroule en 1942, en Tchécoslovaquie, durant l’occupation allemande.


Milida est une jeune Tchèque de 10 ans, habitant avec sa famille dans le village de Lidice. Un jour de juin 1942, son village est détruit par les nazis et Milada est arrachée à sa famille. La jeune fille, blonde aux yeux bleus, est emmenée en Pologne, dans un centre d’apprentissage où on l’oblige à renier son passé et ses origines. Toutes les jeunes filles de ce centre sont blondes aux yeux bleus, et répondent aux critères caractérisant la race aryenne. Elles ont été sélectionnée pour être éduquées selon les idéologies nazies, afin d’être germanisées et par la suite adoptées par des familles allemandes. Milada, rebaptisée Eva, doit apprendre à se conduire comme une parfaite petite allemande. Elle engage alors un combat intérieur afin de ne pas oublier qui elle est, son prénom, sa famille, ses origines.


Un récit poignant basé sur des faits réels, mettant dans la lumière une partie de l’histoire assez méconnue. Ce livre comporte donc un intérêt historique, mais il est aussi intéressant du point de vue du thème de la construction de soi. Milada, au lieu de se laisser annihiler par l’idéologie nazie, se bat intérieurement et dans le plus grand silence pour garder ses souvenirs, retrouver sa famille et revenir à ses origines. Inversement, une des filles de son village également emmenée au centre d’apprentissage, choisit d’oublier, de renier totalement son passé, et adhère totalement aux idéologies nazies.


Ces derniers temps, j’ai l’impression que de plus en plus de romans traitent de la seconde guerre mondiale vue sous un autre angle que celui du génocide des juifs, comme une volonté de rectifier l’histoire en mettant en lumière le fait que d’autres populations que les juifs ont été persécutées. En mars dernier est paru le roman jeunesse « L’histoire d’Else », racontant la déportation d’une jeune fille d’origine Tsigane. Au mois de mai, « Anton » nous racontait l’histoire d’un jeune homme handicapé, et son combat pour se cacher et éviter la déportation. Ces trois romans, ciblés jeunesse, sont des histoires vraies, ou basés sur des faits réels.


Ils m’ont appelée Eva - Joan M. WOLF - Pocket jeunesse – Avril 2010 – 11,50€

lundi 21 juin 2010

Noire lagune

Je continue l'exploration de la biographie de Charlotte Bousquet par ce titre sorti dans une collection dont j'ignorais jusqu'ici l'existence: Courants noirs chez l'éditeur Gulf stream.

A Venise en 1579 la peste semble être revenue et c'est la panique dans la ville. Mais la courtisane Flora semble entrevoir le complot qui se trame dans l'ombre. Mais qui la croira? Sa tutrice Veronica Franco? Galeazzo Foscarini qu'elle aime sans retour? Tandis que les victimes courtisanes se multiplient un prêtre est retrouvé suicidé. Quel est son lien avec ces victimes auxquelles personne ne s'intéresse?
Ce roman est une plongée passionnante dans la Venise du 16ème dont l'ambiance est magnifiquement mise en avant par une galerie de personnage aux caractères et motivations denses: on suit les pas d'un meurtrier faisant chanter un fabriquant de masques afin que celui-ci confectionne des masques empoissonnés, une enquêtrice courtisane prête à mettre sa vie en danger pour mettre à jour cet assassin qui sème plus la peur collective de la maladie qu'un nombre exponentiel de victimes.

Une spécificité doit être mise en avant: la présence d'annexes passionnantes à la fin du roman, lexique des termes spécifiques aux costumes, gâteaux ou vocabulaire spécifiques, repères historiques, une petite histoire de la peste, des thèmes sur les chats de Venise, les courtisanes (pour aller au-delà des clichés) et une biographie de Veronica Franco.

Présentation de la collection et de ses auteurs sur le blog dédié (on y croise des noms bien connus chez d'autres éditeurs spécialisés).

Site officiel de l'illustrateur de la couverture Aurélien Police


Note: ce roman rappelle le thème assez similaire de la nouvelle Confessions parue dans l'anthologie Venise noire dans la collection Emblèmes sortie en février 2002 chez feu les éditions regrettées de l'Oxymore dans laquelle il était déjà question de meurtres sous fond de peste à Venise au 16ème siècle et de la confession d'une courtisane qui aboutit à la mort d'un prêtre impliqué dans un complot criminel.

Charlotte Bousquet, Éditions Gulf stream, collection Courants Noirs, janvier 2010.

Ceux qui rêvent

Voici la suite Ceux qui sauront dans cette nouvelle collection Ukronie chez Flammarion. Et la bonne surprise du premier tome se confirme.

Emboîtant le pas de suite à l'action du premier tome, que je ne raconterai bien sûr pas pour ne pas gâcher le "plaisir" de ceux qui ne se sont toujours pas penchés dessus, nous suivons les pas de Clara et Jean, toujours aussi amoureux, en professeurs clandestins dans un Paris digne d'un Dickens steampunk. Bien sûr la situation va vite se compliquer lorsque Clara sera kidnappée par sa famille par la marier à l'industriel le plus riche de la Nouvelle-France ( notre Nouvelle-Orléans).
Jean va bien sûr partir sur ses traces. Il rencontrera les limites budgétaires, culturels et sociales caractéristiques de sa caste de cou noir. Le passage de son périple est d'ailleurs de loin le plus intéressant de ce tome: découverte des intrigues politiques entre les cinq royaumes composant ce continent américain uchronique, des différentes cultures, des inégalités sociales, des bassesses et amitiés qui se développent en de telles circonstances, digne reflet des préoccupations humanistes et philosophiques de l'auteur.
Après le passage du sauvetage de Clara, grâce à l'aide de nouveaux amis tirés de toutes les minorités, est un peu trop rocambolesque et tiré par les cheveux à mon goût mais je pense qu'il plairait aux ados qui découvriront l'auteur.

En conclusion Pierre Bordage confirme qu'il est de loin l'auteur le plus intéressant de cette collection même si on a parfois le sentiment qu'il se retient pour parvenir à respecter les contraintes du roman pour adolescents.

Pierre Bordage, Éditions Flammarion, collection Ukhronie, avril 2010.

samedi 19 juin 2010

Expo Archi & BD - La ville dessinée - Du 09 juin 2010 au 28 novembre 2010


Vous avez peut-être vu l'affiche dans le métro ?

Cette exposition aura lieu à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris.

Voici un lien vers l'article dont je cite ici quelques extraits :

Une grande diversité d’oeuvre et d’auteurs dans une scénographie inédite L’exposition « Archi & BD » offrira au plus large public une vision de la densité artistique et culturelle de la bande dessinée sur un siècle de création.

Au total 150 auteurs internationaux et 350 oeuvres contribuent à cette exposition.

Un parcours pour le jeune public sera également proposé.


Infos pratiques :
Plein tarif : 8€ - tarif réduit : 5€ (gratuit pour les moins de 12ans).

Ouverture tous les jours de 11h à 19h sauf le mardi. Nocturne le jeudi jusqu'à 21h.

Grammaire érotique liaisons dangereuses entre les plaisirs de la chair et les plaisirs de la langue

Si comme moi vous avez détesté le Bescherelle tout au long de votre scolarité et pire la grammaire Denis et Sancier-chateau plus que rébarbative à la fac voici la grammaire qu'il vous faut pour réviser les bases de la langue française!

A base d'exemples puisés dans les richesses de la littérature érotique et d' illustrations de Nicole Claveloux, le genre si vous n'avez toujours pas compris le sujet on peut plus rien faire pour vous, Jacques Ouimet reprend toutes les bases de la grammaire de façon très sérieuse.

De multiples exercices permettent d'appliquer tous les points importants comme les suffixes, préfixes, antonymes, paronymes, synonymes, niveaux de langue, les différents types de phrases, de propositions, les fonctions des mots, les compléments d'objets, les genres des noms, les différents groupes de verbe, les accents, les pronoms, les mots invariables, la ponctuation, les signes orthographiques, les homophones et j'en passe et des meilleurs!

Exemples:

"Demi
Quand il est placé devant un nom ou un adjectif, l'adjectif demi reste invariable et prend toujours un trait d'union. Placé après, il s'accorde.
Je poussai. Ma belle s'agita, et mon long vit atteignit le fond. Alors, la fille, demi-pâmée, se trémoussa. Je déchargeai... et je m'évanouis. (Restif de la Bretonne) "

"Tout
Tout est adverbe quand il signifie "entièrement", "tout à fait"; il est alors invariable.
Elle s'empara de son histoire et, l'avalant tout entière, elle le magnétisa jusqu'à ce que l'offrande fût consommée. (Casanova) "

"Le point-virgule
Le point-virgule, entre autres, joint souvent deux phrases. Il indique qu'elles sont unies par le sens.
Trois filles furent demandées. L'homme s'assit sur la figure de l'une, en lui ordonnant de lui gamahucher l'anus; la seconde suça son vit; la troisième chatouilla ses couilles. (Sade) "

Site officiel de l'illustratrice
, il n'y a malheureusement que ses illustrations jeunesse.

Jacques Ouimet et Nicole Claveloux, éditions La Musardine, mars 2010.

vendredi 18 juin 2010

La maison penchée - lectures en série5

Voila un livre bien mysterieux, une histoire qui pourrait être chantée au coin d'un feu crépitant au contact du chamallow grillé.

"Prenez une maison, une drôle de maison penchée. Plantée dans le bayou, au coeur des marais de Louisiane, au milieu des crocodiles. Et un homme avec un fusil, une descendante des sirènes, un homme-épervier. Ajoutez quelques chats, un chien, et l'alligator-roi. Dans le bayou vivent des arbres millénaires, des animaux légendaires... et des hommes. Trois histoires qui se croisent. Trois destins uniques."

Le titre en anglais me semble bien plus évocateur : "the Underneath" : "l'En-dessous". Tout ce qui va nous étonner dans ce livre est à première vue imperceptible, les marais sont en suspens, et chaque évenement lié attend son dénouement.
Le ton d'un conteur qui nous interpelle, la richesse du texte, les centaines d'espèces végétales et animales évoquées, la mélancolie caractéristique des meilleurs blues, tous les ingrédients sont unis pour provoquer chez le lecteur une immersion totale. Evidemment, je l'ai adoré!

"La maison penchée" de Kathi Appelt, traduit par Jacqueline Odin, Milan

"Oh, à mon réveil près de ce bayou,
Une chaine enserrait mon coeur.
Oui, me voici près du bayou,
Une chaine étrangle mon coeur.
Ne vois-tu pas que je meurs?
Ne vois-tu pas que je pleure?
Ne peux-tu pas lancer un os à un vieux chien?
Oh, à mon réveil, il pleuvait,
Mais c'était les larmes qui roulaient.
Oui, à mon réveil il pleuvait,
Mais c'était les larmes qui roulaient.
Ne vois-tu pas mes efforts?
N'entends-tu donc pas mes pleurs?
Ne vois-tu pas que je suis seul, sans rien?
Ne peux-tu pas lancer un os à ce vieux chien?


La chatte dressa les oreilles pour comprendre de quel côté venait la chanson. Puis elle se leva et suivit les notes mélancoliques, s'enfonçant de plus en plus dans la pinède. Loin de la route, loin du vieux nid inhabité, loin des gens qui l'avaient abandonnée ici avec son ventre plein de chatons. Elle suivit cette chanson."
(page 12)

jeudi 17 juin 2010

Shimada Yôshichi - Une sacrée mamie

Un manga de plus qui me plait ! J'ai même envie de dire LE MANGA, mon coup de coeur mangas de ces derniers mois.

L'histoire se situe au Japon dans les années 1950/1960. Une femme vit seule avec ses deux enfants, leur père étant mort durant la seconde guerre mondiale. La mère des deux garçons travaille dur. Elle et ne compte pas ses heures et n'est donc pas souvent à la maison pour garder les enfants. Rapidement elle se rend à l'évidence, sa soeur Kisako ne pourra pas garder son benjamin toutes les semaines.
Elle décide donc de l'envoyer vivre chez sa mère, à Saga, un village situé en pleine campagne à 300km d'Hiroshima.

Pour Akihiro, Osano Tokunaga (sa grand-mère) lui semble tout d'abord être une vieille sorcière. Mais très vite il va découvrir qu'elle n'est pas repair bicycle man, mais une sacrée mamie.

Osano est très très pauvre, elle ne possède presque rien : une vieille masure et un bout de jardin qui donne sur une rivière. Mais elle a de l'expérience. Chez eux, on est pauvre depuis des générations ! Et c'est une fierté !
Dans un premier temps, cette vie frugale démoralise Akihiro. Mais grâce à l'ingénieuse façon qu'à sa grand-mère de présenter les choses, Akihiro va non seulement accepter leur pauvreté, mais va aussi en faire sa force ! L'optimisme de sa grand-mère est contagieux, imperceptiblement Akihiro grandit physiquement mais surtout psychologiquement. D'enfant capricieux, il devient responsable.

L'histoire est autobiographique mais adaptée, l'auteur le précise. Le récit est une succession d'anecdotes à la fois drôles, poignantes et intelligentes ! On suit la vie quotidienne des habitants de Saga. Par la même occasion, on apprend comment vivaient les gens ordinaires au Japon à cette époque. On découvre la culture japonaise traditionnelle, certains métiers, leurs loisirs, leur cuisine...

Une sacrée mamie est donc un manga d'initiation très réaliste, et donc d'autant plus attachant ! Ha que j'aimerais que Super-Nanny soit remplacée par Osano Tokunaga. Ça leur ferait drôle aux petits ....... de sauter des repas !

Cette série est aussi un hommage à la grand-mère de l'auteur, qui a été pour lui cette Sacrée Mamie.

Un manga à lire absolument !!!

Thématiques : pauvreté, japon, philosophie, éducation

Une sacrée mamie - Shimada Yôshichi et Ishikawa Saburo - Delcourt - 2009 - 6 vol. parus à ce jour - 7.50€

mercredi 16 juin 2010

Le carnet rouge

Ecrit par Benjamin Lacombe et illustré par Agata Kawa, cet album jeunesse met en scène une partie de l’enfance de William Morris, fondateur du mouvement Arts and Crafts au 19ème siècle en Grande-Bretagne. Son format hors norme (36 X 23) permet d’offrir une belle place aux illustrations magnifiques, très en couleur. Dans chacune d’elle se glisse une phrase qui vient compléter les textes de Benjamin Lacombe. On y découvre la vie du jeune William Morris lors de son entrée à l’internat de Marlborough College, pour devenir prêtre. Avec ce point de départ, l’album est ensuite centré autour de l’attrait qu'à le jeune garçon pour la rêverie : amour de la nature, des histoires et surtout, du dessin, qu’ils réalisera dans son fameux carnet rouge.
Un album mélancolique et poétique, qui nous fait découvrir avec beauté une partie clé de la vie de cet amoureux des belles choses, et ami des fameux préraphaélites.

Raconté par Benjamin Lacombe & illustré par Agata Kawa, Seuil (jeunesse), 2010, 34 pages, 18€.

mardi 15 juin 2010

Le chant des orques

Sofie a 15 ans et vit seule à Berlin avec son père, photographe professionnel. Depuis la mort de sa mère avec qui elle entretenait une relation fusionnelle, emportée six mois plus tôt par un cancer, sa vie est bouleversée. Mal dans sa peau et solitaire, elle n’a aucun ami à qui confier sa peine, et son père, de caractère plutôt introverti se réfugie dans son travail et ses photos.

Un jour, le père de Sofie, dans une tentative de se rapprocher de sa fille qu’il ne souhaite pas la laisser seule durant son absence, lui propose de l’accompagner pendant un mois aux Etats-Unis, pour son travail. Ce qu’elle accepte.

Arrivés sur place, ils s’installent à Neah Bay, dans un motel tenu par Freda, une indienne, et son fils, Javid. Dès leur rencontre, une étrange alchimie rapproche Sofie et Javid, qui voit en elle l’incarnation de la Femme-cuivre, une figure emblématique des légendes de la tribu Makah à laquelle appartient Javid. Pendant que le père de Sofie part en expédition photo dans la région, celle-ci passe du temps avec Javid qui lui fait découvrir la culture des Makah, leur histoire et leurs légendes. Il lui montre les paysages cachés de la région et l’emmène également à la rencontre d’un petit groupe d’orques installé depuis quelques semaines dans la baie. Sofie et Javid, ayant chacun perdu récemment une personne proche, réapprennent le bonheur malgré la douleur, et renouent avec le goût de vivre.

Partir pour mieux se retrouver, faire son deuil, se reconstruire. Ces quelques mots sont pour moi le grand thème de ce roman. Au départ, Sofie, en acceptant le voyage avec son père, fuit la grisaille de sa vie quotidienne ravagée par le chagrin, vers un inconnu qui sera toujours plus agréable. Arrivée à Neah Bay, elle se confronte à une autre grisaille, celle du ciel de Neah bay, son brouillard, sa pluie quasiment constante, qui sont en quelque sorte le reflet des états d’âme de Sofie et de son père. Au fil du texte, les couleurs et l’aspect du ciel seront à mon sens révélateurs de l’état d’esprit des personnages.

Puis Sofie rencontre Javid, qui a lui aussi perdu son père, pêcheur en mer, quelques temps plus tôt. Ces deux êtres que manifestement tout sépare, leur culture, leur aspect physique, et leur mode de vie, vont trouver au-delà de ces différences autant de points communs qui vont les rapprocher. Sofie et Javid trouvent l’un dans l’autre quelqu’un à qui confier leurs peines et leurs doutes Au fil des pages, Sofie s’ouvre à une autre culture, laisse les légendes Makah l’imprégner et murit.

Le thème de la perte affective est très présent dans ce livre. Sofie a perdu sa mère, le père de Sofie a perdu son épouse. Freda et Javid ont perdu mari et père. Sofie et Javid sont angoissés de se perdre l’un-l’autre quand Sofie devra repartir en Allemagne. Cependant une note d’espoir perdure à la fin du livre, comme une manière de dire que la vie continue, dans tous les cas.

Un petit bémol toutefois quant à la forme du livre. Plusieurs coquilles dans les noms propres sont présentes dans le texte. Si elles ne gènent pas la compréhension, cela reste déplaisant. Javid (traduit Yavid dans le résumé de la quatrième de couverture) devient Jarid, Sofie/sophie, Lopo/Lobo.

Bien que longue, mon analyse du livre me semble plutôt incomplète tant les thèmes abordés me paraissent nombreux dans ce livre. Reconstruction de soi suite à un deuil, transmission de culture au travers des générations, nature, pollution … font du Chant des orques un roman plutôt bien construit et riche.

Antje Babendererde - Mars 2010 - Bayard – 11,90€

Exposition Thomas Ott - Paris

Juste un petit mot pour signaler une exposition à Paris sur Thomas Ott, le célèbre auteur de BD adepte de la technique de la carte à gratter.

Je suis curieux de voir les originaux !

C'est à la galerie Martel du vendredi 11 juin au samedi 17 juillet 2010.

Le site de l'artiste.









dimanche 13 juin 2010

En attendant New York

On change pas mal de registre avec ce roman englouti d'une traîte. "En attendant New York" est écrit par Mitali Perkins, américaine née à Calcutta, et traduit de l'anglais par Valérie Dayre (ed. Thierry Magnier).

Année 75 tumultueuse, Asha, sa grande soeur Reet et leur mère quittent Dehli pour rejoindre leur belle-famille à Calcutta. Elles attendent de recevoir le télégramme salvateur de leur père annonçant qu'il a trouvé du travail à New York afin de le rejoindre.
Vivre avec une belle-famille emprunte de tradition, c'est loin d'être facile, surtout pour Asha qui a des rêves d'études plein les poches et la furieuse envie de revêtir des shorts pour jouer au tennis! C'est sans compter le mariage arrangé que l'on organise pour sa soeur.

On le devine, le roman est en mi-teinte, à la fois léger, avec des personnages que l'on vient à cotoyer comme si l'on vivait sous leur toît, mais également extrèmement dûr. Asha va de sacrifices en sacrifices ; le contexte social pour la femme comme pour l'homme est très cloisonné, les ragots hantent les voisinages et détruisent des vies entières. Face au difficulté, Asha devient "l'espoir", cette source de lumière et de bonheur qui sauvera - peut-être - les pots cassés.

L'intimité de cette famille blessée mais empreinte de fierté se reflète dans un style sans fioriture, très agréable. Pour ma part, je n'ai pas laché le livre avant la fin et je me suis attachée rapidement à chaque personnage.

Une histoire de vie engagé et dépaysante, à partir de 15 ans.

They're Pretty Good Musicians: Rock Progressif de Aymeric Leroy


Les éditions Le Mot et le Reste commencent, mine de rien, à bien être représentées dans ce blog: deux chroniques publiées par Taly (Au-delà du Rock et L'underground musical en France) et après One Size Fits All, Eric Dolphy et Pink Floyd (du même Aymeric Leroy), en voici une quatrième de ma part.

Rock Progressif a bénéficié le 2 juin dernier d'une présentation à la librairie L'Arbre à Lettres (celle proche de Denfert-Rochereau), occasion pour moi de rencontrer l'auteur du Pink Floyd cité plus haut ainsi que la personne (que je n'ai malheureusement pas croisée) qui m'a informé, bien qu'involontairement, de l'événement via Facebook (salut et merci, Charlotte).

Définition grossièrement résumée, le rock progressif fut un mouvement ambitieux et libertaire qui voulait s'émanciper du carcan étroit du rock basique, notamment par l'introduction d'instruments inhabituels, une profusion d'idées dans les morceaux (l'instrumental était donc préféré au chanté) et par de longues suites variant selon la longueur du disque au fil des décennies.

Un si joli pavé de 450 pages sur un style musical qui me passionne depuis plus d'une dizaine d'années ne pouvait me laisser indifférent. Enfin, relativement passionné puisque je ne connaissais, Genesis excepté, que de manière purement discographique les groupes principalement évoqués (Yes, King Crimson, Emerson, Lake & Palmer, Soft Machine, entre autres). S'attardant pour l'écrasante majorité sur les années 70 (logique et pertinent), l'auteur alterne, sur une trame chronologique, avec ces pionniers (anglais pour la plupart), leur consacrant quelques pages pour chaque album et son contexte (bien plus que musical), ne négligeant même pas les incartades solo et autres projets de certains musiciens.

La carrière chaotique de King Crimson, la grandiloquence mal comprise d'Emerson, Lake & Palmer, la sobriété de Pink Floyd (encore eux), l'influence grandissante du jazz sur Soft Machine, les intuitions autodidactes et alchimiques de Yes, la poésie sombre et torturée de Van Der Graaf Generator... voici surtout dont est composée l'histoire du rock progressif.

Les scènes européenne (Ange et Magma en France, Le Orme et PFM en Italie, Focus en Hollande...) et américaine (Kansas, les Québécois de Harmonium, Rush) ne sont pas sous-évaluées et c'est dans ces pages que le fan que je suis réalise, qu'en plus d'ignorer beaucoup de choses sur les poids lourds, n'a qu'une connaissance très limitée de ce style musical.

Mouvement créatif et ambitieux à ses débuts, le rock progressif a singulièrement souffert des sautes d'humeurs de critiques opportunistes (ou déçus?) puis, à l'instar du jazz, par l'arrivée inéluctable des horribles années 80 sur lesquelles on s'extasie encore à coups d'émissions spéciales et autres compilations depuis trop longtemps. Peu de groupes ont ainsi survécu à l'appauvrissement dû au formatage systématique de la production musicale. Mais l'ouvrage porte aussi un regard objectif sur les groupes eux-mêmes en mettant en lumière leurs propres responsabilités, parfois véritables actes de sabordage (renouvellement incertain, embourbement dans les clichés du genre, mauvaises stratégies commerciales...).

Non, je ne prendrai pas Genesis pour exemple, le virage pop avec Phil Collins ne m'a jamais gêné contrairement aux puristes. Il faut dire que je n'ai commencé à écouter ce groupe au moment où ledit Philton a quitté le navire et qu'il m'est impossible de ressentir la trahison de ceux qui les suivaient depuis l'ère Peter Gabriel. Par contre, je peux m'en faire une idée en vue du parcours des américains de Spock's Beard (un des fers de lance du revival des années 90) qui présente des coïncidences stupéfiantes avec celui de Genesis, qui ne sont pas pointées, par oubli ou par omission, dans l'ouvrage dont je parle.

Du côté du négatif, je suis tenté de reprocher à l'auteur des détails sur lesquels il s'est intelligemment justifié dès le préambule: il était impossible, et parfois inutile, de s'attarder sur certains groupes. Mais je vais faire ma tête de mule en pointant du doigt le survol injuste de la carrière de Rush (dont la première mention se situe à la page 374!) et l'omission de Beardfish, groupe suédois des années 2000, qui aurait mérité d'être cité au moins rapidement pour les lecteurs qui ne connaissent pas. Bon, je tourne la page coup de gueule pour passer à celles des éloges.

Me gratifier à plusieurs reprises de la présence de Frank Zappa (bien évidemment, soupireront certains) dans ses pages et d'être du même avis que moi sur certains albums de Marillion suffiraient amplement. Mais il faut saluer la connaissance encyclopédique (en 1993, il a co-fondé, avec Olivier Pelletant, la revue spécialisée Big Bang, c'est un peu de la triche) d'Aymeric Leroy. Je ne m'arrête pas là. Tout au long de ces 450 pages, ce qui saute aux yeux, c'est une lucidité, un sens aigu des nuances qui empêche toute monotonie de s'installer et qui permet chez le lecteur intéressé de bien situer et cerner les formations (les meilleurs albums, les plus faibles, les changements de personnels, la voix des chanteurs, etc) dont il est question. Le vocabulaire musical technique, qui reste incompréhensible pour ma pomme, n'est pas absent pour décrire les nombreux morceaux analysés, mais l'auteur a très bien su se servir d'une sémantique abordable pour les non-musiciens. Ce qui ne manque pas de donner des envies, calepin et stylo à la main, de découvertes réjouissantes pour les oreilles.

Merci à Aymeric de m'avoir remercié suite à mon article sur Pink Floyd, la dernière fois que mon nom était cité, c'était un homonyme photographe et breton (et réciproquement). Je le serai très probablement sur le prochain (qui parlera de quoi ou de qui? une thèse hypothétique et uchronique (un des mots préférés de Taly avec "néo-folk") du parcours avorté de Jean-Jacques Goldman dans le rock progressif français?) et je l'en remercie d'avance.


Rock Progressif, Aymeric Leroy, Le Mot et le Reste, coll. "Formes", 25€.

La charmeuse de bêtes - lectures en série4

Je continue sur ma lancée pour présenter un livre que je viens juste de finir : "La charmeuse de bêtes : le livre des Tôda", 1er tome d'une série de 4, écrit par Nahoko Uehashi, traduit du japonais par Yukari Maeda et Patrick Honnoré chez Milan (le 2eme tome est paru)

Après cette longue tirade bibliographique attaquons-nous à l'objet. "La charmeuse de bête" est en effet édité dans une très jolie collection format poche, visuellement "mangatisée" (avec jaquette et tout le toutim), maquette que l'on a déjà pu apprécier lors de la sortie de la saga fantasy "Les 12 royaumes".
Je salue la très belle couverture réalisée par Bruno Douin (celle du tome 2 n'a rien à envier également).

Passons enfin à l'histoire : il s'agit d'une sorte de roman initiatique, médiéval-fantastique à la nippone.
Erin est une jeune fille issue d'un mariage maudit. Orpheline de père, elle voit sa mère, Soyon, condamnée et executée pour être une Ahryo (nomade aux pouvoirs étranges et indéfinis) et avoir laissé mourir les Tôda dont elle avait la charge. Les Tôda sont des serpents mythiques géants, des montures à la peau de fer dressées pour le combat et abruties de drogues par le peuple guerrier d'Arhan. Juste avant que sa mère ne disparaisse (battue, noyée et engloutie dans le ventre des monstres, pour être surs..), Erin perce l'étrange secret de son peuple : Soyon pouvait communiquer avec les Tôda!

Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire, mais je peux dors et déjà dire que l'intrigue est très bien amenée. Erin est une jeune héroïne très curieuse et l'on se prend très vite au jeu de ses réflexions et de ses déductions. L'auteur nous offre avec parcimonie des éléments qui nous permettent d'appréhender un univers qui s'étend bien au delà de la vie d'Erin, englobant tentions politiques et trahisons au sein de royaumes millénaires. Gravitants autours d'animaux fabuleux, des personnages font leur apparition comme dans une grande pièce de théâtre et tous ont un rôle crutial à jouer. Le style du roman n'est pas extraordinaire, mais cette simplicité n'est pas non plus rebutante, surtout pour un jeune public adolescent.
La fin donne envie de se précipiter sur la suite (c'est même carrément frustrant! ><), à conseiller à partir de 12 ans!

Black Mamba n°16

Black Mamba est une revue trimestrielle qui suit 4 thématiques : le polar, la SF, le fantastique et l’aventure. Aussi variées que les thématiques sont les supports : nouvelles, BD, chroniques, interviews et un dossier thématique sur le cinéma français d’horreur et fantastique.
Dans ce n°16, du côté des nouvelles, Franck Ferric nous emmène dans le Far-Ouest avec un personnage cruel décimeur de bison. Hicha Charif propose une nouvelle SF avec une police qui tue des « vieux » devenus parasites dans la société surpeuplée. François Fierobe nous montre un Salomon Kane à sa façon, où capes et épées se rencontrent sur fond de fantastique. La 4ème nouvelle de Lionel Bénard, Stairway to Heaven, dévoile un monde où les morts-vivants ont pris le contrôle du monde, avec un narrateur seul, isolé dans sa tour à raconter à personne ce qu’il lui est arrivé. J’ai pour ma part bien apprécié cette nouvelle.
Les BD sont aussi très variées : racisme, pirates, SF, héroïc fantasy. J’ai bien apprécié Le médaillon, qui joue avec le temps autour, justement, d’un médaillon.
Une revue chargée en thèmes comme en contenu, mais fluide à la lecture et bien divertissante !


Éditions Céléphaïs, 2010 (? pas de date indiquée), 68 pages, 4,50€.